Dunkerque : comment Terrao récupère la chaleur et capte le CO2 des chaudières industrielles

Récupérer la chaleur fatale dans les process mais aussi capter le CO2 à moindre coût : cette solution de l'entreprise Terrao à Dunkerque pourrait faire coup double, pour décarboner les productions de chaleur des sites industriels ou tertiaires, tout en conservant leurs installations de chaudières à gaz. Explications.
Jaouad Zemmouri.
Jaouad Zemmouri. (Crédits : Terrao)

« Notre solution, c'est une sorte de narguilé industriel », s'amuse à comparer Jaouad Zemmouri, à la tête de Terrao, professeur d'université en physique et surtout chercheur. Son innovation, il l'a d'abord expérimentée dans sa cuisine, il y a douze ans. « Comme avec un narguilé, quand on aspire, la fumée passe dans l'eau et en ressort froide, l'eau se réchauffe car la chaleur des fumées se transmet, et elle devient noire, récupérant les polluants ».

En version industrielle, Terrao, TPE de 35 salariés, créée en 2012 et implantée à Coudekerque-Branche, près de Dunkerque, fait coup double : son innovation permet de proposer une solution de récupération, non seulement d'énergie, mais aussi de CO2. Le principe ? Un échangeur thermique récupère la chaleur fatale mais piège aussi les polluants des fumées industrielles dans de l'eau, afin d'être traités par la suite. Cette technologie innovante sait en plus parfaitement traiter de gros volumes de gaz ou de fumée, sans pour autant prendre beaucoup de place. Petit et costaud.

D'abord la chaleur puis le CO2

Depuis les premières expérimentations, beaucoup de chemin a été parcouru. « Nous avons d'abord travaillé principalement sur le transfert de l'énergie, afin de récupérer la chaleur de l'air, notamment dans les centres aquatiques », poursuit Jaouad Zemmouri. « Avec les prix actuels du gaz, le retour sur investissement est de moins de deux ans, les besoins en énergie sont divisés par quatre », commente le dirigeant.

Les solutions fonctionnent non seulement pour le chauffage mais aussi pour le rafraichissement, l'humidification-déshumidification (Terraotherm) ou le renouvellement de l'air (TerraoPur). Et s'applique autant aux piscines qu'aux serres agricoles, à des entrepôts, à des écoles ou des métros (Paris ou Séoul par exemple), entre autres.

Après la récupération d'énergie et le traitement de l'air, Terrao a travaillé sur les fumées, et notamment sur la récupération du CO2, à partir des installations existantes. C'est la solution TerraoSave, contre les rejets industriels dans l'atmosphère. « Comme dans le narguilé, le traitement de la pollution va être associée à la récupération de chaleur : en passant dans l'eau, les particules fines ou ultra fines (voitures), la pollution acide (produits par hauts fourneaux, les SOx-oxydes de soufre) vont être emprisonnées dans l'eau », poursuit Jaouad Zemmouri.

Moins coûteux

« L'oxycombustion, qui consiste à concentrer le CO2 dans les fumées avant de les épurer par condensation de l'eau, permet ainsi de capter les émissions carbone facilement et à moindre coût : l'air de combustion, remplacé par l'oxygène pur, permet justement de limiter les composants recueillis au CO2 et à l'eau », souligne le partenaire Dalkia, filiale du groupe EDF, leader dans les services énergétiques aux professionnels. Alors que la captation de CO2, associée au procédé de combustion « classique », est complexe et coûteuse : elle nécessite de séparer les divers composants présents dans les fumées puis de les traiter séparément.

Le procédé proposé par Terrao isole ainsi l'eau sous forme liquide et le CO2 sous forme gazeuse. Atout non négligeable : le procédé peut fonctionner soit avec l'air ambiant, soit avec de l'oxygène pur : il est possible de basculer automatiquement d'un mode à l'autre sans arrêter la production. Sachant que dans le monde entier, il a été lancé la production hydrogène permettant justement de récupérer de l'oxygène...

Reste que dans l'industrie, « la difficulté, c'est qu'il faut prouver avant que le système est parfaitement efficace, afin que les clients acceptent d'investir », souligne Jaouad Zemmouri. Et l'innovation a un prix. Huit millions d'euros ont été investis depuis le début de l'aventure, avec le soutien de l'Etat dans le cadre des investissements d'avenir, avec la communauté urbaine de Dunkerque, lauréate de l'appel à projets national TIGA (Territoires d'innovation grande ambition) et la Caisse des dépôts (entrée dans le capital en 2020).

Démonstrateur grandeur nature

Terra vient donc de mettre en place un démonstrateur sur son site de Coudekerque-Branche, près de Dunkerque, en partenariat avec l'énergéticien EDF et le groupe Dalkia. « Actuellement au stade du développement préindustriel, c'est un prototype d'une puissance de 250kW dont les premiers résultats sont prometteurs », souligne Dalkia, emballé par cette solution de combustion zéro carbone. Restera à trouver des débouchés pour stocker ce CO2 ou le valoriser, en tant que matière première dans l'industrie notamment chimique.

« Aujourd'hui, nous cherchons un industriel susceptible d'installer un premier démonstrateur sur des puissances allant de 2 MW jusque 5 MW, sans lui faire prendre de risques ». Sachant que le système peut même aller jusqu'à 7MW. Chiche ?

Lire aussiAidons aussi l'hôpital à réduire ses émissions de CO2

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/10/2022 à 21:42
Signaler
La récupération de la chaleur fatale est une vraie énigme pour moi. J’en comprends un tout petit morceau dans ce cas d’usage, je ne sais pas s’il est transposable hors des fumées de cheminée… En tous cas, ça semble prometteur!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.