OGM : "L'UE donne une image dramatique de son appréciation de la science" (Monsanto)

Par Tiphaine Honoré  |   |  648  mots
Pour la firme américaine, la France est l'un des pays clés de la zone Europe-Maghreb puisqu'elle représente son plus gros chiffre d'affaire dans la région. (Photo : Deq Louisiana)
La décision de l'Union Européenne la semaine dernière de laisser le choix aux Vingt-huit d'autoriser ou non les OGM sur leur sol ne représente pas une avancée selon la firme spécialisée en semences et biotechnologies. Au contraire, ses dirigeants français regrettent la position européenne, "mauvaise" pour la compétitivité de son agriculture.

Le compromis permettant aux Etats membres de l'Union européenne d'interdire sur leur territoire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) est loin de satisfaire la présidente de Monsanto France, fournisseur de semences. Catherine Lamboley, qui s'exprimait mardi à ce sujet lors d'une conférence de presse, fustigeait :

"Cette décision donne une image dramatique de l'appréciation qu'a l'Union Européenne de la science. En plus, elle représente un frein à la compétitivité de son agriculture".

Le droit "à la carte" octroyé par l'UE à chaque Etat ne représente "aucune avancée" pour le semencier. "Le manque d'homogénéité en Europe est à déplorer" ajoute Catherine Lamboley.

La France fait de la résistance, l'UE joue le compromis

Avec la validation par le Conseil constitutionnel de la loi interdisant la mise en culture d'OGM en mai dernier, la France campait déjà une position ferme au sein de l'Union. L'accord conclu ensuite en juin par les ministres de l'environnement des Vingt-huit a ensuite confirmé ce droit de choisir au cas par cas, dans chaque pays de l'Union.

Si les dirigeants de Monsanto France assurent que cette dernière décision "ne changera rien [pour eux] dans l'immédiat", elle représente tout de même un contre-temps supplémentaire. Et pour cause, la France qui l'accueille depuis 40 ans est le premier producteur européen de maïs et concentre le plus de sites de recherche du continent (11 sur tout le territoire). C'est donc un pays important dans la stratégie de développement de l'entreprise.

Depuis le Grenelle de l'environnement en 2008, mettant un premier coup de frein aux cultures OGM et à leur expérimentation dans l'hexagone, Monsanto s'est néanmoins fait une raison explique Yann Fichet, directeur des affaires institutionnelles :

"Nous n'avons pas l'intention de commercialiser des OGM en France dans les années à venir. La décision a été prise il y a deux ans et nous ne prévoyons pas d'évolution à venir". 

Un contexte politique "défavorable"

Dans les faits, la firme a même retiré les dossiers de demande de mise en culture qu'elle avait déposé à la Commission européenne. Résignée, pour le moment, elle ne mène plus aucune recherche en plein champs, "les trois quart des expérimentations étant saccagés chaque année" justifie Catherine Lamboley. Elle ajoute : "Pour que nous envisagions à nouveau de développer les semences OGM en France, il faudrait une forte demande des agriculteurs et un environnement politique favorable".

Néanmoins, Monsanto ne perd pas l'espoir d'obtenir le droit d'importer et de commercialiser son soja OGM notamment, produit en Amérique du Nord et du Sud. De même pour son maïs MON 810, le seul à être toléré aujourd'hui en Europe, dans les champs portugais et espagnols en particulier. 

"C'est parfaitement ce qu'on voulait"

Côté gouvernemental, on ne cache pas sa joie de voir l'interdiction française sur les OGM avalisée par Bruxelles. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll qualifiait mardi l'accord européen sur les semences génétiquement modifiées de "progrès très net", en réponse aux critiques formulées par des agriculteurs et des défenseurs de l'environnement. "C'est parfaitement ce qu'on souhaitait, ce qu'on voulait" a-t-il ajouté.

L'accord trouvé par les gouvernements européens jeudi à Luxembourg doit encore être validé par le Parlement européen. Mais pour Stéphane Le Foll, le compromis permet d'ores et déjà de régler la question des "clauses de sauvegarde contestées juridiquement".

Jusqu'à présent, les États devaient réunir une majorité qualifiée pour interdire la culture, ce qu'ils ne sont jamais parvenus à faire. La décision revenait alors à la Commission européenne qui imposait la culture à tous les États, y compris aux réfractaires comme la France qui a pris des mesures de sauvegarde attaquées en justice.