Le retrait allemand du nucléaire relance le super-réseau électrique européen

Par Eric Albert  |   |  495  mots
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Relier les centrales éoliennes des pays qui bordent la mer du Nord. L'idée prend forme, mais les difficultés techniques et technocratiques demeurent.

Le retrait annoncé de l'Allemagne du nucléaire d'ici à 2022 fait des heureux. Pour compenser, le pays sera contraint d'augmenter sa production d'électricité renouvelable, notamment à partir de l'éolien en pleine mer. Cela renforce l'idée d'un super-réseau électrique en mer du Nord (« supergrid » en anglais), qui relierait les différentes centrales éoliennes offshore de la dizaine de pays riverains.

L'idée n'est pas nouvelle, mais elle commence à prendre sérieusement corps. En décembre dernier, dix pays - dont la France - ont signé une « initiative » destinée à coordonner leurs investissements dans les connections électriques en mer. En mars, une agence de coordination des régulateurs électriques européens a vu le jour.

Sur le terrain, un premier projet concret prend forme entre l'Allemagne et le Danemark. L'Union européenne a versé une subvention de 150 millions d'euros pour relier les éoliennes situées à Kriegers Flak, une zone à cheval entre les eaux territoriales des deux pays. Au Royaume-Uni, l'un des pays les plus en pointe dans l'éolien offshore, le régulateur évoque une « douzaine de projets en cours » pour relier différents pays.

Problème administratif

L'objectif du « supergrid » est de faire face au principal problème du vent, qui ne souffle pas en permanence. Pour pallier cette intermittence, il est possible de relier les différentes centrales éoliennes entre elles, pour exploiter au mieux le vent, où qu'il souffle. De plus, cette liaison paneuropéenne permettrait de relier d'autres sources d'électricité, dont les barrages hydroélectriques de Scandinavie.

Au Royaume-Uni, où l'idée fait son chemin, le comité parlementaire à l'énergie consacrait ce mardi une session au « supergrid ». Selon Alison Gray, directrice commerciale de National Grid, le réseau britannique, le « supergrid » permettrait d'économiser jusqu'à 25 % des investissements nécessaires au réseau britannique. Une économie qui s'explique par l'absence de doublon entre les connexions, chaque éolienne n'ayant pas besoin d'être directement reliée à la terre.

Néanmoins, les barrages techniques au « supergrid » demeurent énormes.

« D'ici à 2020, les centrales éoliennes en mer seront deux fois plus éloignées des côtes et dix fois plus puissantes, souligne Stuart Cook, de l'Ofgem, le régulateur électrique britannique. Cela pousse à leur maximum les possibilités techniques. » Un exemple : les transformateurs électriques en pleine mer font actuellement la taille d'un immeuble de quatre étages, et ils devraient être encore plus grands à cet horizon.

Néanmoins, de l'avis des participants à la cession du comité parlementaire, le vrai problème sera d'ordre administratif. Chaque réseau national répond actuellement à ses propres normes, pas toujours compatibles, particulièrement en pleine mer glacée. Le marché de l'électricité doit être également unifié à travers l'Europe, pour pouvoir vendre alternativement dans différents pays. Et en février, lors du sommet européen de l'énergie, les chefs d'État de l'Union européenne n'ont pas explicitement cité un super-réseau électrique dans leurs recommandations. L'urgence politique, sans doute clé dans ce domaine, n'est pas encore au rendez-vous.