Que peut-on attendre du Comité pour la fiscalité écologique ?

Par Dominique Pialot  |   |  836  mots
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Delphine Batho, ministre de l'Environnement et de l'Energie, a installé mardi le comité sur la fiscalité écologique, confié à l'économiste spécialiste du climat, Christian de Perthuis. Guillaume Sainteny, directeur des études économiques et de l'évaluation environnementale au ministère lors du Grenelle de l'Environnement, et auteur de « Plaidoyer pour l'écofiscalité », paru en mai dernier, évalue pour la Tribune ce qu'on peut espérer de ce comité.

Si la pression fiscale française semble insoutenable pour certaines grandes fortunes, la fiscalité écologique n'est pas en cause. En effet, malgré le Grenelle de l'Environnement, la France se situait en 2010 sur ce sujet à l'avant-dernière place de l'Europe des 27, juste devant l'Espagne. Avec 1,86 % du PIB et 4,16 % des prélèvements obligatoires, elle se situe nettement en-dessous des moyennes européennes. « Elle a même reculé de 2, 5 milliards en 10 ans  en euros constants», précise Guillaume Sainteny, qui a contribué à préparer et à faire adopter plusieurs mesures de fiscalité environnementale avant et pendant le Grenelle de l'Environnement en tant que directeur des études économiques et de l'évaluation environnementale, et publié en mai 2012 « Plaidoyer pour l'écofiscalité » (Buchet & Chastel). L'objectif du gouvernement est de la faire converger vers cette moyenne.

Mais le contexte général  rend difficiles les avancées significatives, et de nombreux signaux tendent à montrer que le sujet risque d'être circonscrit à l'énergie et au climat. Ce que corrobore d'ailleurs le choix pour présider le comité de Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'université de Paris-Dauphine et ancien chef de la Mission climat de la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), clairement positionné sur ces sujets dont il est un expert reconnu.


Bras de fer avec Bercy en perspective

« Mais la fiscalité écologique peut également concerner le bruit, l'urbanisme, les transports, les paysages, la pollution de l'air, bien évidemment l'eau et les déchets... » rappelle Guillaume Sainteny. C'est sur ces sujets qu'on peut trouver des marges d'action, plus que sur la fiscalité énergétique que les pouvoirs publics hésitent à augmenter pour des raisons sociales et qui représenten déjà 75% des recettes de la fiscalité environnementale, estime-t-il.

Comme d'habitude, mais peut-être plus encore en ce moment étant donné l'état des finances publiques, Bercy est réticent à cette forme de fiscalité complexe et qui ne rapporte pas, ou peu. Sans doute pour cette raison,  c'est sur un air de tango que le gouvernement évoque cette fiscalité, parfois à l'horizon 2016, parfois dès 2013...Et puisqu'il s'agit d'un sujet interministériel (agriculture, logement, Bercy, etc.), pas sûr que la ministre de l'Environnement ait le dessus dans le bras de fer qui s'annonce. D'autant plus qu'elle doit elle-même arbitrer entre des points de vue non concordants en tant que ministre de l'Ecologie et de l'Energie. 

Pas une source de financement pour les finances publiques

«  Bercy préfère,étant donné la situation des comptes publics, de nouvelles ressources assises sur les énergies polluantes » remarque Guillaume Sainteny. Mais il ne s'gait pas là de la vraie écofiscalité, qui vise d'abord, comme le rappelle d'ailleurs le ministère sur son site, à « inciter ou dissuader des comportements vertueux ou néfastes en termes de consommation de ressources, d'émissions de gaz à effet de serre et de pollutions ».
« La fiscalité environnementale ne doit pas être vue d'abord comme une source de rendement pour les finances publiques » peut-on également lire.


Le double dividende de la fiscalité écologique allemande

Mais la compétitivité des entreprises comme le pouvoir d'achat des ménages, sujets délicats ces derniers temps, rendent l'équation difficile. Même si, comme l'a détaillé Guillaume Sainteny dans son « Plaidoyer pour l'écofiscalité »,  l'Allemagne est très en avance de ce point de vue sans que cela nuise en rien à la compétitivité de ses entreprises.
Entamée depuis la fin des années 1990, cette politique fiscale s'est montrée constante dans une taxation de plus en plus forte de l'énergie et une fiscalité du travail contenue. Mais aussi des taxes sur les transports ou encore une révision de la fiscalité sur l'immobilier pour décourager l'étalement urbain. « Ce cas illustre la théorie du double dividende en conciliant les objectifs environnementaux (baisse ou stagnation de la consommation d'énergies fossiles et des émissions dues aux transports) et sociaux  (allégement du coût du travail):. »

En France, allègement des taxes sur le pétrole

En France, si la pression fiscale s'est alourdie ces derniers mois, en matière d'environnement on a surtout observé un allègement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE),   le plafonnement de l'évolution  des prix du gaz et l'absence de remise en cause des dépenses fiscales défavorables à l'environnement dans le projet de loi de finances (PLF) en cours d'adoption. Les deux premières mesures grand public n'incitent opas aux économies d'énergie pourtant nécessaires pour assurer la transition énergétique pronéee par le présidentet mettent en évidence la difficulté de concilier le social et l'environnemental.
Guillaume Sainteny observe pourtant que plusieurs parlementaires, mécontents du manque d'ambition de la loi de finance 2013 sur ces sujets,  l'ont fait savoir et comptent se mobiliser en 2013, de Jean-Paul Chanteguet (député PS, président de la Commission du développement durable à l'Assemblée Nationale) à Fabienne Keller (sénatrice UMP du Bas-Rhin) en passant par Laurence Rossignol (sénatrice PS de l'Oise).