Un choc de fiscalité immobilière verte pour booster la rénovation énergétique des logements

Par Dominique Pialot  |   |  858  mots
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Au lendemain des avis rendus par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur la transition énergétique et l'efficacité énergétique, dans lesquelles la rénovation des bâtiments tient un rôle essentiel, le think tank Terra Nova publie 15 propositions « pour une politique volontariste ». Il s'agit de mettre les moyens nécessaires pour faire passer le nombre de logements rénovés de quelque 160.000 par an aujourd'hui, à 500.000, l'objectif fixé par le gouvernement. Les plus décoiffantes sont destinées à créer un « choc de fiscalité immobilière verte ».

Le bâtiment engloutit 40 % de l'énergie consommée en France, dont les deux-tiers sont le fait du logement. Alors que le débat national sur la transition énergétique (DNTE) vient de s'ouvrir et qu'une nouvelle directive européenne sur l'efficacité énergétique doit être transposée en droit français, c'est donc à la rénovation énergétique des logements que le think tank Terra Nova consacre une étude. Les quinze propositions qu'elle renferme sont à mettre en ?uvre aussi bien sur les plans financier, de communication et de formation.

Accompagner les ménages

Sur la base du projet déjà évoqué par le gouvernement, de la mise en place d'un guichet unique sur le sujet de la rénovation, Terra Nova suggère tout un arsenal de mesures d'accompagnement des ménages : déclinaison de ce guichet dans les territoires, ambassadeurs de l'efficacité énergétique, utilisation des factures des fournisseurs d'énergie comme support de pédagogie, et réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE) dont une nouvelle mouture doit voir le jour en avril prochain.

Un nouveau DPE plus encadré et pédagogique

Les prestataires, plus encadrés, verraient leur responsabilité engagée par leur diagnostic, qui pourrait être validé a posteriori. L'absence de transmission des résultats à l'Ademe prévue par la loi serait sanctionnée par le retrait de la certification. A des fins pédagogiques il serait également exprimé en dépenses par mètre carré, et indiquerait un bouquet de travaux de rénovation type dont le coût serait chiffré. Dans le même registre, Terra Nova préconise la mise en place d'un Observatoire des coûts de la rénovation énergétique portant aussi bien sur les matériaux que sur la main d'?uvre. Cette mesure a vocation à favoriser la maîtrise de ces coûts, que les économies d'échelle et une plus grande concurrence devraient faire mécaniquement baisser. Les critères d'obtention des labels garantissant la qualité des travaux réalisés seraient également renforcés.

Les fournisseurs d'énergie mis à contribution pour faire baisser les factures

Quant aux fournisseurs d'énergie, eux aussi devraient faire preuve de beaucoup de pédagogie. Non seulement en identifiant sur leurs propres factures les anomalies et gisements d'économies à réaliser, mais aussi en fournissant un « mode d'emploi du logement » permettant notamment une utilisation optimale des différents outils à disposition des consommateurs, à commencer par les compteurs intelligents.

Choc de fiscalité verte

Mais c'est sur le plan de la fiscalité que Terra Nova se montre le plus iconoclaste. Afin de provoquer le « choc de compétitivité fiscale qu'ils appellent de leurs v?ux », les auteurs préconisent de verdir toute la palette des taxes et impôts en lien avec le logement, depuis les actifs intégrés à l'ISF jusqu'à la fiscalité locale et la taxation des revenus locatifs, en passant par la taxation des plus-values immobilières et un bonus-malus appliqué aux droits d'enregistrement.

Le principe est partout le même : inciter à la rénovation énergétique des logements, notamment à l'occasion des transactions immobilières. Les notaires se verraient d'ailleurs mis à contribution, aussi bien pour sensibiliser vendeurs et acquéreurs, repérer les principaux gisements d'économies et suivre la qualité des bâtiments.
Conscients que certaines de ces mesures impliquent une évolution significative des pratiques actuelles, les auteurs en préconisent une adaptation progressive.
C'est en contrepartie de ces différentes mesures qu'ils demandent le maintien d'une fiscalité à 5 % pour les travaux de rénovation énergétique (alors qu'elle est sur le point de passer de 7 % à 10%...)

Se mobiliser face à la Banque européenne d'investissement

Sur le plan du financement, enfin, outre la reconduction et parfois l'amélioration de dispositifs existants tels que le crédit d'impôt développement durable (CIDD), l'éco-prêt à taux zéro (PTZ) ou encore les certificats d'économie d'énergie (CEE) sur lesquels ils se montrent assez prudents, les auteurs prônent la poursuite des expérimentations sur les mécanismes de tiers-investissement ou les certificats de performance énergétique (CPE), notamment via leur utilisation par des structures publiques.

Ils recommandent aussi la création d'un « outil de refinancement qui permette d'orienter des liquidités vers l'efficacité énergétique, et d'abaisser les coûts de financement en mobilisant des ressources extrabudgétaires auprès de la banque européenne d'investissements (BEI) et des énergéticiens. » Sur la base de ressources mobilisées auprès des énergéticiens et de la BEI, ce véhicule de refinancement pourrait agréger d'autres ressources telles que des fonds d'épargne fonds de pension et fonds d'assurance, et apporter des lignes de refinancement fléchées vers l'efficacité énergétique.

Terra Nova incite fortement le gouvernement à « se mobiliser pour que la France obtienne un financement substantiel de la BEI ». Le contexte y est favorable : l'efficacité énergétique a été identifiée lors du débat sur la relance de la croissance en Europe comme l'un des sujets prioritaires pouvant y contribuer, et la BEI doit être dotée début 2013 d'une capacité additionnelle de prêts de 60 milliards d'euros destinée à financer cette relance.