La France a les meilleurs prix télécoms d’Europe !

Par Charles Cuvelliez  |   |  1333  mots
La comparaison des tarifs télécoms est un sujet sensible en Belgique, comme ailleurs, où la référence à Free fait chaque fois frémir.
Le marché français du mobile et du haut débit est un OVNI sur le plan tarifaire si l'on compare avec les pays voisins. C'est un Belge qui le dit: Charles Cuvilliez est maître d’enseignement à l’Université Libre de Bruxelles et membre du collège de l’IBPT, le régulateur belge des télécommunications, qui a réalisé une étude comparative.

Qui a les meilleurs tarifs télécoms en Europe ? Le régulateur belge des télécoms, l'IBPT (Institut belge des services postaux et des télécommunications), équivalent de l'ARCEP en France, a mené une étude officielle portant sur 5 pays européens qui montre l'excellente position de la France en la matière, même face à la Grande-Bretagne. C'est un sujet sensible en Belgique, comme ailleurs, où la référence à Free fait chaque fois frémir alors que les deux opérateurs principaux, câble et cuivre, se livrent une course à la performance plutôt qu'une guerre des prix. C'est dire que la méthodologie a été soigneusement sous-pesée par l'IBPT vu les enjeux et cela n'en rend les résultats de la France, positifs pour le consommateur, que plus intéressants. Ce ne sont pas moins de 699 forfaits qui ont été comparés entre la France, la Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

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L'Allemagne, le pays où le mobile est le plus cher

Pour les mobiles, l'étude s'est fondée sur des profils d'utilisation (nombre de minutes par mois, de Gigaoctet de téléchargement et de SMS par mois) auquel on a fait correspondre le tarif le plus avantageux pour établir la comparaison. Le tout est pondéré par la part de marché de chaque opérateur dans le pays considéré afin d'aboutir à un prix moyen par pays et par profil. Au total, 263 offres mobiles ont été comparées.


L'Allemagne est le pays le plus cher quel que soit le profil. Tant qu'on n'a pas de gros besoins en Internet mobile, la France est le pays le moins cher, suivi de la Grande-Bretagne. Un Français ne paiera que 8,27 euros par mois en moyenne s'il ne télécharge pas plus de 50 mégaoctets. Si on souscrit un abonnement de l'ordre du Gigaoctet, la France est le deuxième pays le moins cher, après la Grande-Bretagne: pour 2 Gigas à télécharger dans le mois, le Britannique dépensera mensuellement 25,43 euros , le Français 26,90 euros, tandis qu'il en coûtera pas moins de 63,95 euros au pauvre Allemand... L'IBPT constate aussi que les opérateurs y incluent de plus en plus des données et des minutes de « roaming » (itinérance à l'international) au même prix que dans son pays, une tendance que le Parlement européen aurait voulu ériger au rang de principe avec son « Roaming Like at Home » (« en itinérance comme à la maison »).


En revanche, dans le domaine des formules prépayées, la France n'est pas bien positionnée : c'est la Grande-Bretagne qui est la plus attractive et l'écart maximum avec l'Hexagone va jusqu'à 13 euros selon les offres.


Triple-play : la France championne,les Pays-Bas deux fois plus chers !

Concernant le « triple-play » (Internet, TV, Téléphone), la comparaison des 98 offres ne s'est plus fondée sur un profil mais sur des caractéristiques de performance comparable (vitesse de téléchargement), tout en conservant plusieurs profils d'appel pour la partie téléphonie. Aucune exigence n'est imposée en nombre de chaînes de TV, ce qui serait un peu vain vu la pléthore déjà offerte par défaut. L'étude considère trois seuils de débit : inférieur à 30 Mégabits par seconde, entre 30 et 60 Mbits/s et entre 60 et 100 Mbits/s.


La France est championne toute catégorie pour des débits entre 30 et 60 Mbits/s. Un consommateur qui aurait les habitudes d'un Belge - pas très différentes d'un Français - ne paierait que 40 euros/mois dans l'Hexagone contre 67 euros/mois en Belgique s'il utilise fréquemment son téléphone. Aux Pays-Bas, le pays le plus cher, il paierait 82 euros/mois. La France est exclue du classement pour les débits 60 à 100 Mbits/s, peu répandus vu la géographie du pays, mais réapparaît dans le très haut débit, au-delà de 100 Mbits/s, concentré dans les grands villes...mais orienté vers le futur.

La France fait décidément figure d'OVNI puisque le prix, là aussi, reste aux alentours de 40euros/mois alors que les pays voisins flirtent avec les 70 à 80 euros/mois !


Un comparateur de prix officiel en Belgique

Pour oser se lancer ainsi dans la comparaison des prix entre opérateurs, il faut à un régulateur une méthodologie au-dessus de tout soupçon ... et une bonne raison. C'est en effet le ministre belge de l'Economie qui en avait fait la demande, voulant savoir si la Belgique était vraiment « à côté de la plaque » en matière de prix de ses télécommunications par référence à la France et s'il fallait agir, quitte à aller jusqu'à un gel de prix. Si on pouvait toujours rêver d'être la France, fut-il dit à l'époque, le pays supporte une bonne comparaison avec les pays limitrophes. Au final, le ministère de l'Economie a lancé un programme national d'information du public sur le thème « Osez comparer » avec un simulateur tarifaire géré par le régulateur, donc officiel, et alimenté par les opérateurs, qui y sont tenus légalement. Un sérieux coup de fouet a ainsi été donné au marché pour objectiver les études d'associations diverses aux agendas parfois cachés.

La méthodologie de l'IBPT met aussi en évidence les bonnes et moins bonnes pratiques des opérateurs européens pour rendre leur offres moins lisibles. On y lit que les opérateurs offrent souvent des services gratuits supplémentaires, tel accès à des hotspots Wifi, des chaînes TV premium, du contenu, tel que Spotify, payant en d'autres circonstances. Les réductions et promotions temporaires ne sont pas prises en compte non plus car elles diminuent l'abonnement mensuel les premiers mois mais ne font que compenser la longueur de l'abonnement, entre 1 et 2 ans. En Belgique, tous les contrats se sont alignés sur 6 mois, une manière de ne plus avoir à comparer des pommes et des poires comme ailleurs.


Inertie des consommateurs, débit ressenti


Bien sûr, comme toute étude comparative, elle a ses limites. C'est un instantané des offres tarifaires en août 2014. Les opérateurs cherchent désormais à se différencier, explique l'étude, non plus uniquement sur la vitesse de téléchargement mais sur d'autres facteurs : Internet mobile gratuit en plus du haut débit, volume de téléchargement illimité, clouds et réseaux sociaux gratuits. Des consommateurs y trouveront leur compte plutôt que de toujours viser le moins cher des forfaits. Mais comparer ces petits et grands avantages est quasi impossible. Mieux vaut prendre alors, à vitesse de téléchargement égale, l'offre la meilleure marché, pas celle qui donne le plus de petits à-côtés. C'est en Allemagne qu'on a le plus de petits avantages inclus (cloud, hotsposts WiFi, etc).


L'étude note aussi l'inertie des consommateurs à rester sur leur ancien abonnement, qui n'est souvent plus commercialisé. Là aussi, en Belgique, une initiative fut prise par le Ministre de l'époque décidément en pointe sur ces questions pour forcer les opérateurs à supprimer les offres tarifaires anciennes.


Enfin, le régulateur belge s'est penché sur la fameuse question de la vitesse de téléchargement annoncée à comparer à celle ressentie par l'internaute. Le résultat, établi grâce à des mesures de volontaires dans toute l'Europe, n'est pas trop mauvais : le rapport de la vitesse réelle sur le débit théorique est de 91,2% pour le câble, légèrement meilleur que pour l'ADSL et la fibre (84,6%). Commercialiser une offre internet à 30 Mbits/s qui, techniquement, ne serait capable que de délivrer la moitié serait pour le moins douteux. La France ne fait pas partie de cette comparaison de performance entre pays car la part de marché du câble et de la fibre est encore petite. En revanche, la France figure bien dans les pays les plus attractifs au niveau des prix.