Comme un parfum de fin de règne pour Angela Merkel

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  746  mots
Angela Merkel
L'Europe est peut-être en train de perdre le seul leader qui lui permettait d'exister aux yeux du monde. Pour Angela Merkel, la conjonction fatale de la crise migratoire et du bourbier grec risque de lui être fatale.

Angela Merkel n'a plus en main les cartes qui lui permettraient de sauver son pouvoir. D'autres, à Berlin, Paris, ou Washington, décideront pour elle. Sa chute provoquerait une dangereuse vacance du pouvoir en Europe. Elle a eu bien souvent des hauts et des bas. Jusqu'à présent, elle s'en est toujours tirée. Mais cette fois-ci les choses s'annoncent plus compliquées que jamais pour Angela Merkel. L'Europe est peut-être en train de perdre le seul leader qui lui permettait d'exister aux yeux du monde. La conjonction fatale de la crise migratoire et du bourbier grec risque de lui être fatale. C'est une mauvaise nouvelle pour une femme qui a fait de la chancellerie le projet de sa vie. Et c'est également un problème pour l'Union européenne dans son ensemble.

Sur les migrants, la messe est dite. Les Allemands ont voté en mars en Saxe-Anhalt, en Rhenanie-Palatinat, en Bade-Wurtemberg. Si le parti nationaliste et anti-européen AfD n'a aucune chance à court terme d'entrer dans une coalition au niveau fédéral, il a eu assez de succès pour susciter la panique des partis centristes.

Merkel fait désormais peur au corps politique centriste

Dans le passé déjà, le succès de la chancelière n'était pas forcément corrélé avec les scores de la CDU, son parti. Mais sa popularité personnelle finissait par convaincre ses « alliés » de continuer à en faire leur reine. À présent, ils doutent.

Le relatif succès de la stratégie merkelienne d'alliance avec la Turquie (les arrivées de migrants en Allemagne ont dramatiquement chuté ces dernières semaines à la suite de l'accord entre l'Union européenne et Ankara) n'y peut rien.

Car le flot des migrants reprendra, par d'autres routes. S'il est possible, quoique pénible, de négocier avec Ankara, c'est beaucoup plus difficile avec la plupart des autres pays d'origine ou de passage des migrants. Pour stopper le flux, il faudrait une vraie frontière et une politique d'immigration commune. Or, elles ne verront pas le jour avant plusieurs années.

Hollande en sauveur de Merkel ?

Et puis, il reste le chaos grec, qui a refait surface avec la divulgation de ce que l'on savait déjà : le FMI demande à présent à la chancellerie allemande de choisir entre son argent et lui. Il faudrait dire : à la chancelière de choisir entre sa parole et lui.

Les propos de Poul Thomsen, le directeur Europe du Fonds, sont sans ambiguïté et valent plus que les démentis de sa directrice générale. Angela Merkel va passer un très mauvais moment quand elle devra le reconnaître devant le Bundestag, elle qui avait fait du Fonds le garant du sérieux des « programmes » grecs. D'autant plus qu'un homme est en embuscade : Wofgang Schaüble, son ministre des Finances, son meilleur ennemi, le seul qui puisse raisonnablement contester son pouvoir à la CDU, celui qu'elle a si habilement doublé il y a bien des années, seize exactement, dans la course à la chancellerie. Schaüble maintient qu'il ne veut pas d'une remise de dette à la Grèce ; Tsipras n'a pas le pouvoir de faire le nécessaire pour s'en passer et le Fonds joue sa crédibilité dans cette affaire.

Le seul qui pourrait sauver Angela Merkel, c'est François Hollande, s'il acceptait de parler sérieusement d'une réforme de l'union monétaire, d'une vraie fédéralisation du pouvoir européen - celle précisément demandée par Schaüble. Mais il ne le fera pas, parce qu'il a la même échéance électorale qu'elle et que la demande politique des Français est à l'opposé de celle des Allemands. La voilà donc coincée.

Elle n'a plus en main les cartes qui lui permettraient de se sauver elle-même. Son avenir politique se joue à Ankara, où l'Europe risque de perdre l'honneur qu'elle avait retrouvé en affirmant son respect du droit d'asile. Il se joue à Paris... où tout est bloqué. Il se joue à Washington, où le FMI ne bougera que sur ordre du Trésor américain, qui lui aussi s'apprête, élections obligent, à traverser une période de transition. Il se joue enfin à Wilhelmstrasse, au ministère des Finances. Pour l'ancien dauphin d'Helmut Kohl, le moment serait idéal pour faire un « coup ». La seule certitude pour l'instant est que le déclin d'Angela Merkel n'est pas forcément une bonne nouvelle pour une Europe en mal de leadership.