Au secours, la gauche revient !

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  812  mots
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Avec son impôt "patriotique" de 75% sur les très hauts revenus, François Hollande marque son projet à gauche et remet le débat sur la justice fiscale au coeur de la présidentielle.

Nicolas Sarkozy a joué quitte ou double avec sa TVA sociale. François Hollande fait de même avec son super impôt sur les très très hauts revenus. Camp contre camp, droite contre gauche, la campagne présidentielle s'idéologise, avec des marqueurs symboliques forts autour du seul vrai sujet de clivage qui oppose les Français, l'impôt. La droite taxe le consommateur pour financer l'emploi. La gauche taxe les riches au nom de la justice fiscale et du patriotisme par temps de crise. 

Un pari audacieux

Avec sa taxe de 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros par an, François Hollande abat une carte décisive, dont l'avenir dira si, oui ou non, le pari était trop audacieux. Premier bénéfice, il réaffirme, au sein du parti socialiste, que c'est lui, le candidat, le seul "patron" de sa campagne. A voir la surprise non feinte de nombreux responsables, le coup est réussi. Ensuite, il confirme, à qui voudrait le contester, que son projet de bel et bien socialiste, à rebours de la campagne désastreuse de Lionel Jospin en 2002. Enfin, il copie, à sa manière, la "méthode Sarkozy", en reprenant l'initiative à un moment clef de la campagne, celui où les électeurs consolident leur choix.

Depuis son entrée en lice, le président-candidat a multiplié les effets d'annonce spectaculaires, fortement marqués à droite, dans le but évident de "chasser" les voix de Marine Le Pen. Un jour, ce sont des référendums sur des sujets aussi complexes que la formation des chômeurs ou l'immigration ; un autre, c'est l'obligation pour les titulaires du RSA de travailler un minimum de 7 jours par mois. Cette fuite en avant populiste contre l'assistanat ne trompe personne (qui croit vraiment qu'un référendum sur le chômage puisse résoudre le problème ?), mais la stratégie de l'Elysée marche plutôt bien sur le plan politique, au moins pour la campagne de premier tour, puisque l'écart entre les deux leaders de la présidentielle se resserre dans les sondages.

Moins que Roosevelt et... De Gaulle

Mais le chef de l'Etat n'a pas le monopole de la surprise. Avec sa sortie contre la « richesse insolente », François Hollande n'hésite pas à son tour à faire de la surenchère, dans le but évident de casser son image de "gauche-bobo" et de conquérir les voix des extrèmes. Le "candidat du peuple" est soudain dépassé sur sa gauche ! En fixant la barre de l'impôt anti-riches à 75% au-delà de 1 million d'euros, deux chiffres très symboliques, Hollande prend Nicolas Sarkozy à revers. 75%, c'est moins que Roosevelt, qui avait porté le taux marginal d'imposition à 90% aux Etats-Unis pendant la crise des années Trente. Et c'est moins que le taux de 80% qui prévalait en France sous De Gaulle, autre hérault du "redressement national". En appelant les 3.000 contribuables qui gagnent plus de 1.000.000 d'euros par an à "l'impôt patriotique par temps de crise", Hollande fait planer sur la France un petit air de mai 1981 à bon compte. La droite, c'est normal, crie à l'impôt "spoliateur" et à la "fuite en avant fiscale". Sarkozy pris de court, dénonce "l'improvisation" et "l'amateurisme". Mais le président oublie un peu vite que lui-même n'a cessé, depuis son discours de Toulon de l'automne 2008 de dénoncer les rémunérations « indécentes » de certains traders et grands patrons qui gagnent plusieurs milliers de Smic. Que sa ministre du budget, porte parole du gouvernement, Valérie Pécresse, a déclaré en septembre dernier que des rémunérations supérieures à 1 million d'euros étaient "extravagantes". Que certains patrons "patriotes", dont Maurice Lévy, Pierre Bergé, ont, à l'image des milliardaires américains menés par Warren Buffet, demandé que les « riches » soient plus taxés, au nom de la solidarité nationale. Ce à quoi François Hollande avait répondu du tac au tac : « que les riches ne s'inquiètent pas, nous arrivons... ».

Une vraie réforme fiscale, SVP

Inutile donc de feindre l'étonnement devant l'initiative prise par le candidat de la gauche. A lui en revanche de faire en sorte que son appel à plus de justice fiscale en France ne soit pas une Incitation à Sortir de France pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui s'enrichissent non par la rente, mais par leurs talents, leur travail et leur mérite. Cela s'appelle une vraie réforme fiscale et c'est sur cela que François Hollande, comme Nicolas Sarkozy d'ailleurs, sont désormais attendus. Ne jouons pas à nous faire peur avec des taux d'imposition soit disant dissuasifs. Pendant la France des trente glorieuses, sous De Gaulle donc, le taux marginal supérieur de l'impôt sur le revenu était de 80% et cela n'a pas empêché la France de connaître la plus longue et plus forte période de croissance depuis 1945.

pmabille@latribune.fr