Et si Bill Gates demandait la nationalité belge ?

Par Eric Walther  |   |  464  mots
Copyright Reuters (Crédits : Photo Reuters)
L'"exil" belge de Bernard Arnault et les réactions qu'il suscite continuent d'alimenter une polémique qui confond allégrement sujets fiscaux, patriotisme économique, patriotisme tout court. Imaginons qu'un grand patron américain ou allemand ait entamé la même démarche...


Après avoir été surpris de la décision de Bernard Arnault de demander la nationalité belge, tout le monde semble maintenant s'offenser, pour ne pas dire davantage, de l'excès apparent de certaines réactions. A commencer par le PDG de LVMH lui-même, qui a annoncé hier vouloir porter plainte contre notre confrère Libération dont la manchette de l'édition du matin était barrée d'un très direct : « Casse toi riche con ! » On peut bien sûr débattre de la formulation de cette Une (« Casse toi pauv'riche » aurait été un rien plus élégant et tout aussi efficace). Mais l'essentiel est ailleurs.
Transportons-nous au-delà de nos frontières pour les besoins de la démonstration. Imaginons que Bill Gates, le patron de BP ou de HSBC, celui de Siemens, de Volkswagen ou même de Fiat ait entamé la même démarche que Bernard Arnault. Ce n'est pas un journal d'un jour qui aurait fait le buzz. Mais bien une campagne de presse d'une dureté sans comparaison avec ce que l'on a pu voir depuis 48 heures dans les médias français. Avec du lourd, sur le thème : 'Come back Bill » ou peut-être « Take the gate Gates ». Le patron en question aurait dû s'expliquer en public, se justifier, voire revenir sur sa décision...
 

Ce sentiment d' « impunité » si bien intégré par une partie, nous disons bien une partie, des élites françaises

Le propos n'est ni d'accabler la presse française et au-delà le monde politique et économique (quel silence du Medef !)pour leur pusillanimité, encore moins d'encenser son homologue étrangère dont nous connaissons les excès. Il n'empêche. L' « absolution » dont Bernard Arnault va in fine bénéficier - on connaît la capacité d'oubli de la société française de ce genre d'affaires - laisse un léger goût amer en ce qu'elle nous rappelle, s'il en était encore besoin, le sentiment d' « impunité » si bien intégré par une partie, nous disons bien une partie, des élites françaises.
Beaucoup nous ont asséné que ce départ n'était finalement que la conséquence de cette fameuse chasse aux riches qui serait menée en France. Pis, il cristalliserait ce vieux mal français qui voudrait que la réussite, surtout quand elle est financière, soit mal aimée. Et on nous dit en même temps que le patriotisme économique doit devenir une vertu cardinale de la nation. Alors?

Faut-il rappeler que Bernard Arnault a précisé dimanche que sa passion belge n'avait rien à voir avec l'argent. Alors?

Toutes ces questions ne se poseraient pas au-delà de nos frontières. Simplement parce qu'aucun grand patron n'oserait y entamer une telle démarche.