Un euro signé Mario

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  848  mots
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La présentation d'un nouveau billet de cinq euros, premier d'une nouvelle série "Europa" est le symbole de la résilience de la monnaie unique. Le nouvel euro, signé hier par Mario Draghi, président de la BCE, sera-t-il plus sûr que son prédécesseur.

Aux Etats-Unis, on glose sur le web à propos de la drôle de signature, en forme de "ressort" de Jack Lew, le nouveau secrétaire au Trésor appelé à remplacer Tim Geithner, paraphe qui ornera les futurs dollars émis par la Réserve fédérale. C'est que, de l'autre côté de l'Atlantique, c'est le ministre des finances de l'Etat fédéral qui se porte garant de la validité des billets de banques.

Impossible en Europe, où il n'y a pas, malgré les appels du pied de Jean-Claude Trichet, de ministre des finances de la fédération d'Etats qui composent l'Union. Et pour cause, l'Europe, figure symbolique désormais affichée et imprimée sur le nouveau billet de 5 euros, n'en est pas une de fédération. Pas encore, en tout cas. Et c'est donc naturellement, au lieu de la signature de chacun des 17 ministres des finances, ce qui surchargerait, convenons-en, la signature de la seule institution véritablement fédérale du Vieux Continent, qui y figure : celle du président de la Banque centrale européenne.

Irréversible ?

Exit donc, sur la nouvelle série Europa, appelée à remplacer les premières coupures de la monnaie unique, les paraphes de Wim Duisenberg et de Jean-Claude Trichet, premiers présidents de la BCE. Place donc à celle de Super Mario, Mario Draghi, le plus allemand des banquiers centraux italiens, et le plus italien des banquiers centraux « allemands », qui a signé officiellement ce jeudi 10 janvier, la première vague de la nouvelle série, le billet de 5 euros. Ne voyons pas dans le lieu choisi pour cette cérémonie, le musée archéologique de Francfort-sur-le-Main, un mauvais présage, même si tous ceux qui ont à tort parié sur la fin de l'euro en 2012 y trouveront sans doute une certaine ironie. C'est, en réalité un très beau symbole pour le nouveau visage de l'euro, un euro sauvé des eaux en particulier grâce à l'action déterminée de Draghi.

En déclarant, urbi et orbi, que l'euro est irréversible, l'actuel président de la BCE a très largement contribué à sauver notre monnaie, et ce sans avoir (pour l'instant) besoin de recourir à l'arme nucléaire annoncée, une capacité d'intervention « illimitée » sur les dettes des pays qui seraient attaquées. Bien sûr, rien n'aurait été possible si dans le même temps, les gouvernements n'avaient pas fait leur part du « job », à savoir engager des programmes drastiques de lutte contre les déficits excessifs et approfondir leur coopération politique sur la solidarité financière au sein de l'UE. En ce début 2013, un fait est indéniable, la crise financière de l'euro est derrière nous. L'agence de notation américaine Standard & Poor's en a d'ailleurs pris son parti, en publiant hier un communiqué qui passera pour un mea-culpa, elle qui a beaucoup fait pour aggraver la crise en dégradant les dettes de pays tout à fait solvables et en réalité peu menacés de faillite : nous sommes « au début du commencement de la fin des troubles au sein de l'eurozone », écrit-elle en substance. Et comme pour lui donner raison, le Trésor espagnol a émis hier un emprunt à dix ans à des taux en-dessous de 5% pour la première fois depuis mars 2012.

Un euro sinon rien !

Une chose est sûre, par sa signature officielle sur la nouvelle série Europa de billets en euro, Mario Draghi ajoute un geste symbolique supplémentaire de nature à donner confiance dans la résilience de l'euro. Le fait que ce soit le président de la banque centrale qui garantisse en quelque sorte la valeur de la monnaie est aussi le signe qu'en Europe, la monnaie reste une chose trop sérieuse pour être confiée aux hommes politiques. Un euro signé Mario pour une monnaie appelée à durer donc, une monnaie plus sûre, pas seulement par les nouveaux signes de sécurité fiduciaire qui lui ont été ajoutés, voilà un bon gage pour 2013 et un nouvel avenir de l'euro. Faut-il ajouter qu'à 1,3250 pour un dollar, l'euro est contre toute attente plus fort que jamais. Peut-être trop d'ailleurs, pour notre commerce extérieur. Le fait que, de l'autre côté de l'Atlantique, quelques bons esprits conseillent à Obama d'émettre de la fausse monnaie pour contourner le mur du plafond de la dette y est-il pour quelque chose. On ne peut pas ne pas relever en tout cas que pendant que l'Europe lance sa nouvelle série de billets Europa, aux Etats-Unis, on pense plus ou moins sérieusement à faire émettre par le Trésor une pièce de 1000 milliards de dollars en platine pour financer la dépense publique. Et de se dire qu'il y a quand même quelque chose d'injuste dans les malheurs de la vieille Europe. Mais bon, l'euro n'est pas, pas encore tout à fait le dollar, n'est-il pas ? La preuve, c'est qu'il n'existe pas encore et qu'il n'est hélas toujours pas prévu d'émettre un billet de... 1 euro.