Carlos Ghosn, maitre chanteur ou maitre politique ?

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  479  mots
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Carlos Ghosn a fini par plier. Enfin presque. En annonçant qu'il envisageait de renoncer provisoirement à 30% de la partie variable de son salaire pour l'année 2012, la patron de Renault fait donc un geste, attendu de beaucoup par ces temps de crise qui courent et notamment d'Arnaud Montebourg. L'homme, foncièrement attaché à son indépendance, insensible à toute forme de complaisance voire de connivence avec quelque forme de pouvoir extérieur à son entreprise, à fortiori l'Etat qui est encore son actionnaire à hauteur de 15% a choisi son moment.
Il n'était en effet pas question pour lui de céder aux régulières sautes d'humeur de l'opinion sur les « scandaleuses » rémunérations des grands patrons, pas plus qu'il n'avait jugé bon de faire un effort - il n'y était pas obligé - au moment de la mise en place, à la fin de l'année dernière, de la limitation des rémunérations des responsables des grandes entreprises sous contrôle public. Il a donc pris son temps. Et dégainer au moment juste.
Cet effort, il le supportera sans trop de peine puisqu'il devrait porter sur un peu plus de 400 000 euros à comparer au 1,2 million de salaire fixe versé par Renault (en 2011) et aux 10 millions engrangés grâce à sa casquette de patron de Nissan. D'autant que cette somme pourrait lui être finalement versée fin 2016 sous condition de « l'exécution de tous les engagements pris par Renault dans le cadre de l'accord de compétitivité. A condition que cet accord soit signé, bien sûr ». a-t-il précisé au journal Le Monde.
L'homme ne lâche donc pas grand chose et subordonne ce pas grand chose à la réussite d'un plan qui ne peut-être mis en place que si les négociations, tendues, actuellement en cours chez Renault aboutissent. Les mauvais coucheurs y verront une forme de chantage, les obligeants un deal gagnant-gagnant, bien que le gel des salaires pour 2013 dans l'entreprise, lui, ne sera pas rattrapé quoiqu'il arrive...
Si Carlos Ghosn n'est pas maitre-chanteur, il est en tout cas un maître politique. La subtilité du geste, déjà jugé comme dérisoire par les syndicats et insuffisant par Arnaud Montebourg, réside dans son caractère inédit. Jusqu'alors, la modification ou la suspension d'une rémunération variable liée à la mauvaise situation de l'entreprise était soit définitive, soit décalée dans le temps avec l'espoir d'un retour à meilleure fortune. Le dirigeant disait à son entreprise, je participe aux efforts demandés à l'entreprise au même titre que les autres salariés. Une symbolique forte que Carlos Ghosn, lui, raconte tout autrement puisqu'il promet en substance: je ferai cet effort, si vous en faites un. La nuance n'est pas que rhétorique, car elle transforme la réduction d'un gros salaire perçue comme un acte quasi-miséricordieux en une arme de négociation.