Supprimons aussi le ministère de l'Écologie !

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction  |   |  768  mots
Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction. / DR

Delphine Batho a donc « tout dit » jeudi sur son « limogeage » du ministère de l'Écologie. Victime expiatoire du « principe majeur de solidarité gouvernementale », elle a permis à François Hollande de faire (enfin) acte d'autorité face à une équipe ministérielle qui en a manqué cruellement en dix-huit mois de pouvoir. Passons sur le fait que ce soit une femme, devenue qui plus est la meilleure ennemie de Ségolène Royal - à laquelle elle doit pourtant son ascension politique -, qui subisse ainsi les foudres élyséennes et soit la première responsable ministérielle à quitter le navire. Ce qui est plus intéressant, dans ce coup de chaleur estival, est plutôt que ce soit l'écologie qui craque la première dans la mise en oeuvre de la politique de rigueur à laquelle la France est astreinte.

D'abord, il y a un mystère Batho. Le moins que l'on puisse dire est que cette ministre, faible politiquement, n'a guère brillé dans son ministère. La transition énergétique ? Elle est dans les limbes, le grand débat national ne débouchant sur rien de concret, pas même un brin de pédagogie auprès de l'opinion. Le budget de ce qu'il reste de feu le grand ministère de l'Environnement (amputé de son volet logement) ? Personne n'est capable de se mettre d'accord pour dire de combien le budget de Mme Batho baisse (la fourchette va selon elle de 7 % à 1,8 % si l'on tient compte de l'artifice de la taxe poids lourds)... Le geste est politiquement fort, l'impact réel est nul. D'ailleurs, le nouveau ministre, un socialiste inconnu nommé Philippe Martin, est prié d'accepter le même budget, et il est peu probable que celui-ci augmente dans les années qui viennent. Par les temps qui courent, un bon budget est un budget... en baisse. Il y a une obligation de résultat, pas de moyens.

« Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne », a dit un jour Jean-Pierre Chevènement. Les seuls ministres qui s'en sortent sont ceux qui ont une capacité de nuisance politique. N'est-ce pas Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Christiane Taubira et... l'écolo Cécile Duflot, qui régulièrement dénoncent à l'unisson l'austérité en Europe (en creux, donc, en France aussi), mais qui, tant qu'ils ne franchissent pas la mouvante ligne rouge de la solidarité gouvernementale, ne sont pas inquiétés ? Enfin, pour l'instant...

Les écologistes ont gagné une martyre...

Au-delà de la pérennité de l'accord scellé entre le PS et Europe Écologie-Les Verts - qui servira encore au moins jusqu'aux municipales de 2014 -, la bonne question n'est-elle pas l'existence même d'un ministère de l'Écologie ? Laisser entendre qu'en réduisant ce budget la France serait en train de sacrifier l'avenir sur l'autel de la rigueur est une pantalonnade. Le ministère de l'Écologie ne justifie pas son existence par son seul budget, mais par sa capacité à offrir une résistance politique aux lobbies de tout poil, industriels et financiers. Si des dépenses publiques sont à faire dans des projets innovants comme les transports et l'énergie durable de demain, cela ne dépend donc pas que du ministère de l'Écologie, mais d'un vaste programme d'investissements public-privé sur lequel travaille d'ailleurs le gouvernement, qui annoncera son plan le 9 juillet.

Par tradition, mais aussi par construction, l'écologie est là pour s'opposer à l'industrialisme pollueur. Sa vocation est de s'instiller partout. Son combat est plus idéologique, au sens noble, que budgétaire. Si ce combat était gagné, il n'y aurait plus besoin d'un ministère de l'Écologie, puisque ce devrait être la vocation de chaque ministre, et même de chaque décideur, public comme privé, que de tenir compte de cette « exigence absolue » dans tous ses actes. Cette affirmation consensuelle est bien évidemment une gentille utopie. De ce point de vue, Delphine Batho lègue davantage à la postérité par son « suicide » ministériel que par son action dans son ministère. Elle oblige le gouvernement à repenser la question écologique, à l'heure où il va devoir arbitrer cet été des sujets aussi délicats que la fiscalité du diesel (qui pourrait être progressivement alignée sur celle de l'essence), la taxe carbone ou encore celle du prix de l'électricité. De ce point de vue, les écologistes ont gagné une martyre et semblent bien décidés à se servir de ce levier... On pourrait terminer par un tweet ravageur à la Valérie T. : « Courage à Delphine Batho, qui n'a pas démérité en Poitou-Charentes et au ministère de l'Écologie. »