Taxe à 75% : Hollande va-t-il "zlataner" le foot français ?

Par Eric Walther, directeur de la rédaction  |   |  938  mots
Zlatan Ibrahimovic quitterait-il le PSG si on lui demandait de payer sa taxe à 75%?
Les clubs de football français appellent à une grève fin pour protester contre la taxe Hollande à 75% qui, disent-ils, les met en péril. Et si les joueurs millionnaires prenaient à leur charge cet impôt provisoire ?

Il est maintenant de bon ton, pardon, c'est une quasi-unanimité, de voir dans l'instabilité fiscale une particularité bien française qui serait à la source de tous nos maux. Comme si soudain, tous les impôts devaient être figés à la fois à leurs niveaux et dans leurs assiettes. Et pourtant, les mêmes qui brandissent cet épouvantail ne sont pas les derniers à clamer que le monde bouge, qu'il faut en permanence s'adapter, changer de modèle, réécrire le contrat social, favoriser certains secteurs d'avenir… Et d'appeler de leurs vœux une véritable réforme fiscale dont personne ne peut honnêtement penser qu'elle ne se traduirait que par des baisses.

Qu'en est-il réellement de cette « catastrophe »

 Les clubs de football professionnel sont donc montés à bord du train de la contestation en annonçant ce jeudi "quatre journées sans foot" du 29 novembre au 31 novembre prochains. Motif de ce coup de force : la taxe à 75% sur la part des revenus de leurs joueurs supérieure à 1 million d'euros. Passons rapidement sur cette curiosité qui nous est offerte de voir des employeurs décrété une grève.

Qu'en est-il réellement de cette « catastrophe » pour le football dont le président de l'Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas, qui n'est jamais le dernier à sortir le clairon, juge qu'elle pourrait aller jusqu'à menacer le projet de nouveau grand stade dans la capitale rhodanienne ?

Le PSG paiera le plus gros de la facture

Rappelons d'abord que cette taxe à 75% - probablement la plus mauvaise idée qu'ait eue le candidat François Hollande qui, une fois président, n'a cessé de ramer pour s'en dépêtrer - ne pourra pas dépasser 5% du chiffre d'affaires des entreprises concernées. Un plafonnement décidé au dernier moment visant à ne pas trop pénaliser les …clubs de football à l'origine d'un intense lobbying.

Ensuite, elle ne devrait que concerner que 14 clubs, et ce serait le PSG sous contrôle qatari qui paierait (une véritable "qatarstrophe" !)  la moitié de la douloureuse (on parle de 20 millions d'euros). Une bonne partie de ces clubs ne serait d'ailleurs redevable que de quelques centaines de milliers d'euros.

Un recul en bonne et due forme serait perçu comme un cadeau aux millionnaires  du foot

Du coup, tout le monde gesticule en convoquant le poids économique considérable que le football représente pour notre économie. Diable ! Magnanime, le président de la République, que l'on sait davantage passionné par le football que par l'argent, a prévu de recevoir les dirigeants du foot le 31 octobre prochain. Pour leur dire quoi ? Que leur menace a fonctionné, que l'on va trouver des aménagements dans un montage un peu complexe qui, soit dit en passant, pourrait être retoqué par le Conseil constitutionnel pour inégalité de traitement devant l'impôt.

Fin politique, même si ces dernières semaines ont montré qu'il pouvait faire beaucoup mieux en matière de communication, François Hollande a parfaitement conscience qu'un recul en bonne et due forme serait perçu comme un cadeau aux « millionnaires » du foot.

Que les joueurs dont le salaire annuel dépasse le million d'euros payent eux-mêmes leur surtaxe

Proposons-lui donc une solution, si les dirigeants des clubs de football ne l'ont pas reçue avant. Puisque le secteur est, selon leurs dires, dans une situation si dramatique, faites comme dans les autres entreprises. Réunissez vos salariés, les joueurs et les autres, et mettez cartes sur table : il y a réellement péril, donc il est du devoir de ceux qui vivent et font vivre le sport le plus populaire de faire des efforts. A danger exceptionnel, décision exceptionnelle. Que les joueurs dont le salaire annuel dépasse le million d'euros payent eux-mêmes leur surtaxe (rappelons que ce prélèvement exceptionnel ne doit durer que deux ans).

Vu le niveau de rémunérations des stars concernées, on imagine qu'elles devraient pouvoir supporter cette amputation, d'autant que certaines d'entre elles bénéficient de revenus délocalisés qui échapperont quoiqu'il arrive à ce prélèvement.

Le foot français est à ce point là peu attrayant que seul l'argent peut le sauver ? 

On entend déjà la réaction des clubs : vous allez signer la mort du haut niveau dans les clubs français qui peinent déjà à tenir leur rang au plan européen ! Les meilleurs pieds gauches et pieds droits vont fuir vers de meilleurs cieux fiscaux et rien ne pourra les en empêcher ! Vraiment ? Le foot français est à ce point là peu attrayant que seul l'argent peut le sauver.

Ses dirigeants auraient donc si peu confiance en leur capacité à créer une volonté d'appartenance à un destin commun. Qu'ils aillent voir un peu du coté du ballon rond allemand qui a choisi une toute autre voie de développement, ou de certains clubs français comme Montpellier, capable de briller sans étoiles multimillionnaires. Qu'ils fassent le ménage dans le système d'agents du football à la fois coûteux et malsain.

 Zlatan Ibrahimovic exilé volontaire?

Pitié, cessons ce carnaval. Le risque est nul pour François Hollande de devoir intervenir à la télévision pour proposer à un Zlatan Ibrahimovic exilé (fiscal) volontaire de revenir en France aux conditions qu'il souhaitera... On peut avoir la faiblesse de penser que l'acclamation d'un stade tout entier, y compris celle des supporters de l'adversaire, reçue par le joueur suédois mercredi soir face à Anderlecht avec ses quatre buts marqués (dont un à 100 km/h), vaut largement les quelques millions d'euros qu'il pourrait avoir à payer (à ne pas toucher en réalité).