La mondialisation, ça marche ! (encore un peu)

Par Philippe Mabille  |   |  701  mots
Dans une bonne logique keynésienne, c'est quand cela va bien qu'il faut en profiter pour réformer, réduire la dette et les déficits, mener une politique favorable à l'investissement. Parce que, dès que cela va plus mal, on ne peut plus rien faire. (En photo, Christine Lagarde, directrice générale du FMI lors de la présentation de ses prévisions, le 12 octobre à Washington).
Bonne nouvelle, pour une fois, le FMI vient de réviser en hausse ses prévisions pour la croissance mondiale. La chronique de Philippe Mabille, directeur de la rédaction de "La Tribune", dans "Entendez-vous l'éco" sur France Culture du 12 octobre 2017.

Le Fonds monétaire international vient de relever ses prévisions économiques de 0,1 point pour 2017 et 2018, soit une croissance estimée désormais à respectivement 3,6% et 3,7%. Cela pourrait sembler anecdotique mais ce n'est pas l'épaisseur d'un cheveu à l'échelle d'un PIB mondial estimé par la Banque Mondiale à 75,5 trillions (75.500 milliards de dollars) ou 115.000 milliards de dollars si on le calcule en parité de pouvoir d'achat. Le commerce mondial reprend des couleurs, après une décennie noire. Bref, la mondialisation, si décriée, cela marche quand même encore, un peu.

Si le FMI salue la reprise, qualifiée de remarquable et de généralisée, est-ce pour autant le signal de la sortie de crise ? Il ne faudrait pas triompher trop vite. D'abord parce que le bonheur n'est pas dans le PIB et que cet indicateur ne mesure qu'imparfaitement, on le sait, la perception réelle de la santé des économies.

La croissance revient partout, notamment dans les pays émergents, et même en Chine qui suscitait des inquiétudes. Mais, pour la zone euro, si la croissance devrait être de 2,1% cette année, elle retomberait selon le FMI à 1,9% l'an prochain. La reprise n'est donc pas encore consolidée. Et même si les marchés financiers caracolent sur des niveaux records, les fragilités et les incertitudes rendent le monde toujours aussi incertain et volatil.

Quelles sont ces fragilités ?

Ce qui frappe en lisant le dernier rapport du FMI, c'est la prudence de l'institution. Les signaux économiques restent brouillés. Si l'on regarde ce qu'il se passe en zone euro, on voit bien que les scénarios sont perturbés par le risque politique. Brexit, mais aussi « Catalexit », avec la crise entre l'Espagne et la Catalogne, qui interroge sur le devenir de la zone euro.

En Europe, comme aux Etats-Unis, les séquelles de la crise financière sont toujours là, le système bancaire reste fragile. La preuve que tout ne va pas si bien, les banques centrales des zones avancées sont obligées de maintenir des taux d'intérêt extrêmement bas.

L'accélération des effets de la technologie sur l'emploi soulève aussi de nouvelles craintes face au mystère de la productivité, qui ne décolle pas. Et il y a les inquiétudes liées à l'imprévisibilité de la politique américaine avec Donald Trump, avec des tensions protectionnistes et une remise en cause, partout, de la mondialisation.

Comment pérenniser dans ce contexte la reprise en cours ?

C'est le Graal que recherchent les gouvernements. Le FMI les pousse d'ailleurs à profiter de ces temps de « vaches grasses » pour accélérer les réformes car la fenêtre de tir offerte par ce rebond ne va pas durer indéfiniment.

Certains économistes le disent : la reprise est en réalité déjà derrière nous et le fameux alignement des planètes avec des taux et un coût des matières premières bas ne va pas tarder à se retourner, ce qui pèserait sur la conjoncture. On le voit en Europe avec la montée de l'euro face au dollar.

En fait, dans une bonne logique keynésienne, c'est quand cela va bien qu'il faut en profiter pour réformer, réduire la dette et les déficits, mener une politique favorable à l'investissement. Parce que, dès que cela va plus mal, on ne peut plus rien faire.

Emmanuel Macron, qui bénéficie de la croissance favorable actuelle, le sait et c'est pour cela qu'il a décidé d'accélérer les réformes avec un calendrier intense : après le droit du travail, et la réforme fiscale, il veut maintenant appliquer au plus vite son programme sur la formation professionnelle et l'assurance-chômage et boucler le tout avant le printemps 2018.

Parce qu'il le sait bien, dans un an, il sera déjà trop tard... Le gouvernement est d'ailleurs resté très prudent sur ses prévisions de croissance. Après tout, il vaut mieux se tromper à la hausse qu'à la baisse.

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