Européennes : le tournant du quinquennat

Par Philippe Mabille  |   |  593  mots
(Crédits : Reuters)
EDITO. Les élections européennes constituent un tournant dans le quinquennat d'Emmanuel Macron. Une victoire de la liste LREM, actuellement au coude-à-coude dans les sondages avec celle du RN, lui permettrait d'asseoir sa légitimité à mettre en œuvre l'acte II des mesures annoncées à la mi-avril, tant sur le plan national qu'européen. En revanche, une défaite le contraindrait à reconfigurer son gouvernement et revoir en profondeur ses projets de réformes. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.

L'élection européenne de ce dimanche ne sera pas qu'un vote pour ou contre l'Europe mais bien aussi un vote pour ou contre Emmanuel Macron. Le chef de l'État, qui s'est personnellement impliqué pour tenter de sauver la campagne médiocre de sa tête de liste Nathalie Loiseau, le sait : il joue ce 26 mai la suite de son quinquennat et sa légitimité à mettre en œuvre l'acte II des réformes annoncées à la mi-avril. Si la liste LREM-MoDem arrive en tête, même de peu, il pourra échapper à la figure triomphante d'une Marine Le Pen prenant sa revanche du second tour humiliant pour elle de la présidentielle de 2017. Il y a deux ans, la victoire d'Emmanuel Macron avait été saluée, après le Brexit et l'élection de Donald Trump, comme la preuve qu'un coup d'arrêt pouvait être apporté à la montée du populisme.

Si le Rassemblement national arrive en tête ce dimanche, comme le laissent prévoir les sondages qui se sont retournés depuis février, ce sera à l'évidence perçu comme un vote-sanction contre le chef de l'État. Emmanuel Macron devra alors reconfigurer son gouvernement, changer de Premier ministre et revoir en profondeur ses projets de réforme. Cette défaite n'est pas encore certaine mais, on le voit bien, il y a quelque chose de cassé dans la dynamique Macron, qui peine à mobiliser autant qu'au premier tour de l'élection de 2017. Une partie de ceux qui l'avaient soutenu, essentiellement des cadres, des électeurs de la droite modérée tendance Juppé et des retraités aisés, hésitent.

« En même temps », on voit bien aussi que les forces alternatives au choix binaire Macron/Le Pen ne parviennent pas non plus à faire le plein. La « droite Trocadéro » qui avait donné 20% de voix à François Fillon ne suit pas le candidat de Laurent Wauquiez, François-Xavier Bellamy ; la gauche est émiettée et sans leadership. Seuls les Verts sortent du lot, urgence écologique oblige mais ne parviennent pas à percer tant l'environnement est devenu consensus.

Un besoin urgent de réformes

Notre sondage BVA publié ce vendredi 24 mai le montre pourtant : une large majorité de Français demeure attachée à l'Union européenne. Les Français aiment la libre circulation, l'euro et sont conscients que l'Europe est la bonne échelle pour affronter les temps nouveaux où une bataille mondiale pour la domination économique, commerciale et technologique - on le voit avec l'affaire Huawei - se joue entre les États-Unis et la Chine. Les Français, contrairement aux Britanniques lors du référendum de 2015, ne veulent pas du « Frexit ». Ils ne veulent pas quitter l'Union européenne, mais ils estiment ne pas voir assez les bénéfices de l'Europe, surtout chez les perdants de la mondialisation.

Pour résister aux forces nationalistes, l'Europe aura besoin après cette élection de se réformer en profondeur, d'apporter des réponses démocratiques aux attentes des peuples de plus de protection. Elle aura surtout besoin d'un nouvel élan économique et politique car le temps lui est compté si elle veut échapper aux forces de dislocation. Pour l'instant, avec ses taux négatifs, la Banque centrale européenne protège l'Europe mais de façon artificielle. Si le couple Macron-Merkel ne parvient pas à se mettre d'accord sur une relance du projet européen pour achever la construction politique qu'est devenu l'euro, le risque est grand que nous ne connaissions plus jamais d'élection européenne dans la prochaine décennie.