« La fonction publique européenne : mythes, réalités et perspectives »

Par Maros Sefcovic  |   |  985  mots
Maros Sefovic / DR
La fonction publique européenne est assez méconnue du grand public et véhicule de ce fait un certain nombre de clichés. A l'occasion des 7èmes Rendez-vous Européens de Strasbourg, Maroš Šefčovič, vice-Président de la Commission européenne, rétablit un certain nombre d'idées reçues et évoque les réformes du statut du personnel européen, actuellement en discussion avec Parlement et le Conseil.

Dans le contexte des propositions d'économies et de réforme du statut faites par la Commission, il me semble important de présenter la fonction publique européenne sous son vrai jour, de rappeler son rôle, sa taille et son coût réels, ainsi que sa capacité à évoluer et à rester en phase avec les fonctions publiques nationales.

Une fonction publique au service du citoyen européen

Le rôle premier de la fonction publique européenne est d'être au service des institutions et de défendre, en leur nom, les intérêts de l'Union. Sous la responsabilité du Collège des commissaires, du Parlement ou du Conseil des ministres, elle apporte son expertise à la définition des politiques européennes. Directement issus des 27 États membres, les fonctionnaires européens sont donc au quotidien les principaux interlocuteurs des administrations nationales et les porte-paroles des positions européennes aussi bien en Europe que dans le monde. Ils font face à des diplomates de haut rang, des avocats ou des économistes de renom, pour construire le marché intérieur, plaider devant les tribunaux ou trouver des solutions à la crise économique et financière.

Les citoyens européens en bénéficient tous les jours dans leur vie quotidienne. À titre d'exemple, je citerai les décisions antitrust prises par la Commission contre les cartels qui, en 2010, ont fait économiser au moins 7,2 milliards d'euros aux consommateurs. De nombreux autres cas, tels que la baisse des tarifs de téléphonie mobile, illustrent aussi la plus-value d'une approche européenne et ses effets positifs dans la vie de tous les jours.

Moins de 60.000 collaborateurs dévoués

De combien de personnes parle-t-on ? La fonction publique européenne compte aujourd'hui 56 000 agents, dont 55 % à la Commission. Ce chiffre peut paraître conséquent mais reste en réalité proportionnel aux tâches conférées à l'Union par les Traités et relativement faible si on le compare par exemple aux 5 millions de fonctionnaires et agents publics que compte la France.

Par rapport aux fonctions publiques nationales, son activité se concentre principalement sur des fonctions réglementaires. Sa structure a d'ailleurs été adaptée dans les années 2000 avec l'externalisation des tâches de gestion et d'exécution, confiées à des agents contractuels, pour conforter cette tendance et accroître son efficacité.

Quel est le coût de cette fonction publique ? Le budget de l'Union représente 1 % du PIB de l'Union européenne, soit environ 70 centimes par jour par citoyen, et le coût de l'administration (toutes dépenses, personnel et fonctionnement, confondues) environ 6 % d'un budget annuel total de 130 milliards d'euros.

Est-ce trop quand on sait que les institutions doivent travailler dans 23 langues et couvrir tous les domaines de compétence de l'Union, sensiblement accrus avec le Traité de Lisbonne ?

Il n'y a cependant aucun doute qu'en période de crise économique et financière, l'austérité doit prévaloir et une plus grande rigueur s'imposer, comme c'est le cas dans la plupart des États membres.

C'est la raison pour laquelle, fin 2011, la Commission a proposé au Parlement européen et au Conseil une nouvelle révision du statut du personnel européen et des mesures d'économies dans le cadre de la prochaine programmation financière pluriannuelle.

Des dépenses administratives gelées jusqu'en 2020

Ces propositions complètent les modifications introduites en 2004 (3 milliards d'euros d'économies réalisées et 5 de plus attendues d'ici 2020) et permettent de geler les dépenses administratives jusqu'en 2020. De ce fait, elles génèrent 1 milliard d'euros d'économies supplémentaires sur la période et 1 milliard d'euros par an à long terme.

Elles vont dans le sens des mesures que de nombreux États membres ont annoncé pour leurs propres administrations nationales.

La principale proposition consiste en une diminution progressive de 5 % des effectifs de l'ensemble des institutions et des agences entre 2013 et 2017 (via le non remplacement d'un fonctionnaire sur 2 ou sur 3 selon les institutions). La Commission a d'ailleurs d'ores et déjà proposé de réduire son personnel de 1 % dans sa proposition de budget pour 2013. Cette mesure s'accompagne d'une augmentation du temps de travail à 40 heures par semaine, l'Union rejoignant ainsi les États membres qui ont le temps de travail hebdomadaire le plus élevé.

Des mesures pour gagner en efficience

Parmi les autres mesures ayant des répercussions significatives à plus long terme, je citerai le relèvement de l'âge normal de départ à la retraite de 63 à 65 ans, avec la possibilité de rester jusqu'à 67 ans, le Parlement ayant même proposé 70 ans, âge qui serait parmi les plus élevés en comparaison avec les fonctions publiques nationales. En plus de l'impôt sur le revenu déjà prélevé, un impôt de 6 %, le prélèvement de solidarité, est également mis en place pour remplacer de façon pérenne l'actuel prélèvement spécial.

Les mesures proposées par la Commission permettront à l'Union de continuer à fonctionner efficacement et à ses institutions de gagner en efficience. Elles permettent également de préserver les moyens d'attirer un personnel compétent, qui laisse souvent derrière lui une carrière pour s'installer à l'étranger avec sa famille et travailler dans des langues étrangères.

Je sais que les négociations sur ces propositions de réforme seront difficiles. La proposition a néanmoins déjà recueilli fin avril un large soutien auprès du Parlement européen. Ce sera probablement plus ardu au Conseil, mais je reste confiant car je sais l'attachement que les États membres portent à la qualité du travail des fonctionnaires européens.

Je suis prêt à leur démontrer que la proposition de la Commission constitue le juste équilibre entre le besoin de faire des économies et la nécessité de disposer d'institutions européennes solides, dotées d'une administration forte et d'un personnel qualifié et motivé. Les défis européens qui nous font face ne nous autorisent pas aujourd'hui à faire un autre choix.