L'Euro vaut bien une baisse !

Par Bernard Cohen-Hadad  |   |  912  mots
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Président de la Commission Financement des entreprises de la CGPME et du think tank Etienne Marcel, Bernard Cohen-Hadad prône la stabilité de l'euro et de la parité euro-dollar, pour protéger les petites entreprises.

La campagne présidentielle a été jalonnée d?une querelle monétaire simpliste et passionnelle pour ou contre l?Euro. D?un côté faire accroire que tous nos maux viennent de l?Europe et désigner un bouc émissaire au-delà de nos frontières: une monnaie commune. C?est une antienne toujours facile. De l?autre, mettre en avant qu?un renoncement à l?Euro affaiblirait définitivement notre pays, augmenterait nos dettes, plomberait nos finances, mettrait nos banques en péril, nos entreprises, nos emplois et ferait vivre à chacun d?entre nous? l?apocalypse. C?est proche de la réalité et moins facile. Nous vivons tous déjà, chefs d?entreprises ou salariés, des moments difficiles. Alors les propositions fantaisistes de sortie de l?euro vont accompagner notre vie politique et économique tout au long de cette crise qui est loin d?être terminée. Et il va falloir s?y faire.

Mais de grâce, ne mélangeons pas les genres. La France est l?un des piliers de la zone euro. Et nos TPE-PME patrimoniales le savent bien puisqu?elles essaient de renforcer leurs échanges prioritairement dans l?espace communautaire. C?est moins loin, plus confortable et beaucoup moins risqué. Nos banques le savent aussi. Et quoi que l?on dise, la distribution du crédit bancaire en France a été l?une des meilleures de la zone Euro. Même s?il reste encore quelques difficultés de financement, surtout pour les TPE. Une des réussites aussi du système européen a été de voir les banques centrales travailler ensemble pour protéger l?Euro et limiter les perturbations irraisonnées pour la plupart des acteurs économiques. Et la priorité pour nos entreprises est de travailler dans la durée, d?avoir confiance, d?accéder au crédit et de compter sur de la stabilité des partenariats. Nous sommes actuellement soucieux des contraintes prudentielles de Bâle III et de Solvency II et nous avons besoin de penser un espace économique européen organisé et serein. Il faut donc éviter de jouer au yoyo ! Qui a vraiment oublié les difficultés que nous rencontrions dans notre gestion avec les différentes monnaies et la très forte volatilité des nombreux taux de change ?

Bien entendu, quand l?Euro est fort, chacun sait que les entreprises françaises ont du mal à exporter hors de la zone euro. Ce n?est pas nouveau. On peut toujours évoquer telle ou telle success story. Ces entreprises qui réussissent contre vents et marées. Mais pour la grande majorité des entrepreneurs, les difficultés sont là. C?est surtout vrai pour les TPE-PME et les PMI indépendantes qui ne bénéficient pas du soutien logistique ni de l?appui financier des grands groupes et qui peuvent connaître des pertes de compétitivité de 15 à 25 %. Mais sincèrement, l?Euro est-il « la » cause ? En effet, quand accepterons-nous d?apprécier à leur juste place ce que coûtent le niveau de nos dettes publiques, l?absence de flexibilité du marché du travail, et toutes les charges matérielles et immatérielles qui grèvent le développement des TPE-PME et des PMI ?

Aujourd?hui, les choses semblent bouger, l?Euro s?affaiblit. Ce fléchissement n?est pas non plus une réelle nouveauté. Nous avons déjà vécu, momentanément, la même situation, il y a un peu plus d?un an. Mais depuis la crise de l?Eté 2011 est passée par là, avec des hauts et avec des bas. Alors si, de nouveau, l?Euro devient plus compétitif par rapport au dollar qui peut s?en plaindre ? Allons-nous réellement devoir subir l?augmentation du prix des carburants, connaître de nouvelles hausses des matières premières, voir flamber le prix de nos importations ? Ces questions sont mondialisées. Et Il faut savoir réagir et saisir cette opportunité puisqu?un fléchissement de l?Euro permet de privilégier nos savoir-faire, valoriser les produits labellisés made in France. Relancer l?activité des TPE-PME dans les territoires et encourager l?emploi. Bien entendu, les entreprises françaises qui fabriquent, dans nos régions, en Europe et exportent en zone dollar ont tout à gagner de cette embellie. Encore faut-il qu?elles aient eu le temps de s?y préparer, disposent des moyens financiers et humains d?investir et que l?inversement de cette tendance soit durable. C?est à voir.

Car l?enjeu est bien là. Les entreprises moyennes doivent compter d?abord sur elles-mêmes et sur une stabilité de long terme de la parité euro-dollar. Les TPE-PME n?ont pas la souplesse financière des grands groupes pour délocaliser les bénéfices, jouer avec les monnaies et les privilèges fiscaux. Elles doivent donc prévoir, provisionner et assumer. Ce qui fait pour elles l?intérêt l?Euro, sa vraie force, c?est d?abord sa stabilité. La sortie de l?Euro est donc un leurre ou un mauvais rêve. Il amplifiera notre sujétion car que nous voulons protéger, nous les entrepreneurs européens dans cette période de mutations, c?est avant tout la stabilité des échanges. Et garantir à l?Euro sa place comme monnaie de référence tout en veillant à protéger le développement de nos entreprises dans le cadre d?économies de marchés responsables.