L'assurance-vie est-elle condamnée ?

Par Hervé de la Tour d'Artaise*  |   |  744  mots
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Support d'investissement favori des Français, l'assurance-vie suscite de nombreuses interrogations aujourd'hui : sa fiscalité privilégiée sera-t-elle remise en question à l'occasion d'une prochaine loi de finances rectificative ? La baisse des taux et la quasi-faillite des États entraîneront-elles les fonds en euros dans leur chute ?

Force est de constater que l'assurance-vie jouit aujourd'hui d'un véritable privilège fiscal. Au-delà d'un délai de détention de huit ans, les intérêts perçus à l'occasion des retraits ne sont imposés qu'à hauteur de 7,5% (hors prélèvements sociaux de 15,5%). Ce taux doit être comparé au niveau de prélèvement supporté par tous les autres placements financiers (tranche marginale d'imposition + prélèvements sociaux). Pour un contribuable se situant dans les dernières tranches du barème de l'impôt sur le revenu, l'assurance-vie, support traditionnel du placement à long terme, devient paradoxalement le meilleur produit sur le court terme. Il y a là une évidence que le législateur pourrait utiliser pour durcir la fiscalité.

Pourtant, ce risque tant redouté ne s'est pas produit à l'occasion des innombrables réformes de la taxation que nous avons connues au fil des années... L'explication tient sans doute au fait que l'assurance-vie, au travers des contrats en euros essentiellement, est le réceptacle naturel des emprunts émis par le Trésor public pour financer ses déficits. Tant que l'État aura besoin de placer des obligations, il devra favoriser l'assurance-vie.

Cette vision optimiste sur le support juridique que constitue l'assurance-vie ne doit pas cependant faire oublier le problème financier que constitue la baisse des taux de rendement des obligations. Même avec une inflation contenue, un placement dont la rémunération devrait tomber en dessous de 3% par an ne permet pas à l'épargnant de maintenir son pouvoir d'achat sur une longue période. Il y a là un vrai problème qui devrait inciter l'investisseur à se détourner des fonds euros pour une part significative de ses placements.

La formation du public aux notions de risque serait efficace

Où aller alors? Vers un produit de capitalisation, assurément, pour échapper à la fiscalité quasi confiscatoire rappelée ci-dessus. On pense alors au PEA, mais celui-ci n'est pas sûr sur courte période... S'orienter vers l'épargne réglementée (livret A, LDD...)? Les montants sont limités et la protection du pouvoir d'achat n'est pas assurée... Investir sur les supports « unités de compte » d'un contrat d'assurance-vie multi support ? L'épargnant aura ainsi accès à une enveloppe qui lui permet d'investir en actions (partiellement mais suffisamment pour préserver la valorisation de son portefeuille exprimée en euros constants), en immobilier (sans avoir à supporter les soucis de la gestion), en France comme à l'étranger.

L'assurance-vie a donc encore de beaux jours devant elle si l'on veut bien considérer que la sécurité du « père de famille » ne réside pas dans les placements à taux fixes et si l'on veut bien se rappeler que sur longue période il est probablement moins « risqué » de se placer sur les supports immobiliers et actions.

Le rapport Berger-Lefebvre remis récemment au ministre de l'Économie et des Finances précise les orientations qui pourraient être prises par le gouvernement dans la préparation de la loi de finances pour 2014. L'alourdissement de la fiscalité toucherait peu les ménages dont les avoirs en assurance-vie sont inférieurs à 500000 euros. La taxation renforcée des investisseurs les plus fortunés constituera, à l'inverse, une incitation nouvelle à rechercher des cieux plus hospitaliers pour réaliser leurs placements.

Les investissements destinés au financement des PME en croissance et du capital-risque seraient, une fois encore, encouragés. Cela est nécessaire, mais il est paradoxal que les mesures suggérées s'accompagnent de la mise en place d'une garantie en capital plutôt que d'une exonération au moins partielle des gains réalisés au terme de la période d'indisponibilité. Enfin la base de référence des durées d'investissement pour déterminer le délai des huit ans ne serait plus la date d'ouverture des contrats mais la durée effective de chaque versement. Le principe est aisément compréhensible, mais la mise en pratique supposera des contraintes de back-office pour les compagnies qui ne vont pas dans le sens d'un allégement des contraintes administratives.
Il n'est pas certain que le rapport précité trace le bon chemin pour aller aux objectifs recherchés : l'information et la formation du public aux notions de risque, de facteurs de croissance et de vision long terme seraient plus efficaces fondamentalement.

* Hervé de la Tour d'Artaise est président de l'Association française des conseils en gestion de patrimoine certifiés