Les zones économiques spéciales chinoises, l'illusion de la croissance ?

Par Sandra Poncet  |   |  440  mots
DR Sandra Poncet
A deux jours du déplacement de François Hollande et de plusieurs entrepreneurs français en Chine, Sandra Poncet, professeur à l'Ecole d'Economie de Paris et conseiller scientifique au CEPII, dresse un bilan mitigé des zones économiques spéciales dédiées aux exportations. La fiscalité attractive sur ces zones incite effectivement les investissements directs étrangers, mais offre à la Chine peu de perspectives de croissance...

Attirer des investissements directs étrangers a souvent été envisagé comme un moyen efficace pour promouvoir la montée en gamme de la production industrielle. Le premier canal est direct puisque la qualité des biens produits par les entreprises à capitaux étrangers est généralement supérieure à celle des entreprises nationales. Par différents effets de diffusion, la présence de multinationales peut aussi induire une amélioration des biens produits par les entreprises nationales.

La Chine est probablement le pays le plus emblématique d'une stratégie dynamique d'attraction des entreprises étrangères. Depuis 1979, le gouvernement chinois a activement promu les entrées d'investissements directs étrangers (IDE) par diverses incitations fiscales dans l'espoir que la présence d'entreprises étrangères soutienne le processus de transformation structurelle. Depuis le début des années 2000, les autorités ont multiplié le nombre de zones ciblant les activités d'assemblage (« export processing zones »).

Mirage statistique
Dans le cas de la Chine, les autorités ont concentré les investissements étrangers et les activités de transformation dans des zones économiques spéciales (ZES) dédiées aux exportations : cette déconnexion structurelle et géographique entre les activités domestiques ordinaires d'un côté, et celles reposant sur la technologie importée et les entreprises étrangères de l'autre, a pu entraver la diffusion technologique.


 

Une étude du G-MonD récente suggère que ce choix délibéré a réduit les retombées potentielles et les gains de croissance provenant des activités d'assemblage et étrangères. En effet en concentrant les investissements étrangers et les activités de transformation dans des ZES dédiées aux exportations les autorités en ont limité l'enracinement local. Or l'appropriation domestique et l'insertion forte des entreprises dans l'économique locale sont essentielles pour que l'adoption de nouvelles technologies renforce la croissance. Ce travail indique qu'il est crucial de distinguer entre les différentes origines (domestique et étrangère) de la montée en gamme pour disposer d'un indicateur pertinent de la véritable adoption des technologies occidentales par les pays émergents et que la seule référence au volume des investissements directs étrangers ne saurait suffire. En effet dans le cas de la Chine, l'amélioration apparente des exportations pourrait n'être qu'un mirage statistique dans la mesure où elle provient uniquement des progrès des entreprises étrangères ou de la qualité des composants assemblés, sans qu'ils initient ou signalent une montée en gamme des entreprises nationales. En outre, dans ce contexte, les externalités et les bénéfices qui en sont attendus en termes de croissance semblent amoindris.