Transition énergétique : la solution nucléaire

Par Francis Sorin*  |   |  1053  mots
Francis Sorin (DR)
Alors que le débat national sur la transition énergétique touche à sa fin, le directeur du Pôle Information de la Société Française d'Energie Nucléaire - Francis Sorin - est satisfait : ces discussions ont, selon lui, permis d'exclure la perspective souhaitée par les écologistes d'un abandon du nucléaire d'ici 2050. Il estime que l'atome ne serait, non pas le problème de la transition énérgétique, mais la solution...

Pour l'avenir de la politique de l'énergie en France, le nucléaire n'est pas un problème mais plutôt une solution ! Voilà un des premiers thèmes qui ressort du Débat National sur la Transition Energétique (DNTE), parvenu aujourd'hui à mi-parcours !  Un tel constat déjoue bien des attentes. Car il ne faut pas en faire mystère : pour nombre de ses exégètes, « transition énergétique » est d'abord synonyme de réduction voire d'abandon du recours au nucléaire.

Et il était attendu que le débat entérine comme allant de soi une telle orientation. Ce n'est pas du tout le cas : le groupe de travail mis en place par le Conseil national du DNTE pour réfléchir au mix énergétique du futur n'est pas parvenu à un consensus ; il vient de rendre publique la teneur de ses désaccords en affichant plusieurs scénarios contradictoires de la transition sur lesquels les responsables politiques devront trancher.

Deux éléments essentiels ressortent de ces travaux :

- Les prospectives tablant sur une réduction de moitié de la consommation énergétique à l'horizon 2050 - et impliquant un abandon du nucléaire - sont apparues irréalistes.

Les partisans de ce scénario (Greenpeace, WWF, Négawatt...) reconnaissent eux-mêmes qu'atteindre cet objectif suppose de la part des citoyens des changements profonds de comportement renvoyant à la limite à un bouleversement de la société (baisse de vitesse des véhicules, arrêt de l'étalement urbain, limitation des déplacements en avion, développement d'une économie du recyclage, relocalisation des productions...)

Ce scénario, dont une des mesures-phare est la rénovation thermique massive des logements, prône bien sûr la sortie du nucléaire et l'abandon progressif des combustibles fossiles. Et pour prendre le relais, il annonce le développement exponentiel des énergies renouvelables, éolienne et solaire, qui pourraient, avec l'hydraulique et la biomasse satisfaire la quasi-totalité de la demande aux horizons considérés !

Une vision  utopique
Si cette vision peut séduire des publics déjà acquis, le débat montre qu'elle ne « passe » pas auprès de la plupart des énergéticiens. A force de multiplier les hypothèses irréalistes, les v?ux pieux ou les incantations envers des « renouvelables » proprement divinisées, le scénario bâti par les ONG anti-nucléaires n'apparaît plus comme une étude prospective raisonnable mais s'affiche avant tout comme un manifeste militant. L'objectif fondamental est de convaincre que la France pourra bâtir son avenir énergétique en se passant du nucléaire.

A partir de là, l'exercice consiste à fixer à un niveau très bas la demande à satisfaire et à un niveau très haut la contribution des « renouvelables ». Et voilà remplies les deux conditions nécessaires pour que le pays puisse accéder au nirvana énergétique sans avoir besoin du nucléaire ! Une telle démarche simplificatrice a toutes les allures d'une utopie déconnectée des réalités techniques, économiques, industrielles. Hormis les opposants à l'atome, ce scénario de sortie du nucléaire n'a pas convaincu grand monde, affichant un irrémédiable manque de crédibilité.

Les scénarios incluant une large contribution du nucléaire sont ceux qui répondent dans les meilleures conditions aux objectifs de la transition énergétique.


La diminution du recours aux combustibles fossiles - un des principaux objectifs de la transition énergétique - dépend de deux facteurs : l'évolution du niveau de la demande (liée aux politiques d'économie et d'efficacité énergétique) et le niveau de la contribution du nucléaire. En l'état actuel des technologies, baisser cette contribution revient mécaniquement à augmenter le recours aux énergies fossiles, pour une production en continu et pour pallier l'intermittence des renouvelables, censées accroître leur part dans le mix électrique.

A l'inverse, conforter le recours au nucléaire est la garantie de restreindre le recours aux fossiles. De ce point de vue, certains scénarios envisagent le transfert vers l'électricité de nombre d'usages jusqu'ici assurés par les combustibles fossiles (à commencer par les véhicules électriques). Cette électrification poussée, impliquant un développement du nucléaire, aurait pour avantages non seulement de diminuer le recours aux fossiles mais aussi de diminuer les rejets de CO2.

Maintien des coûts raisonnables de l'énérgie
La lutte contre l'effet de serre est en effet l'autre grand objectif de la transition énergétique. Les travaux du DNTE viennent confirmer que le nucléaire est l'atout primordial pour diminuer les rejets de CO2 et poursuivre la décarbonation de l'économie vers une division par 4 de ces émissions...Un atout nettement plus convaincant que les scénarios abandonnant ou marginalisant le nucléaire, obligés de se fonder sur les paris hasardeux d'une baisse exorbitante de la demande énergétique et d'une progression démesurée des renouvelables.

Outre ces deux avantages, le nucléaire concourt fortement à ce qui doit être un des éléments majeurs de la politique énergétique : le maintien d'une énergie à des coûts raisonnables. Les travaux du Conseil national du DNTE montrent que face aux coûts élevés des énergies renouvelables et aux fluctuations des prix internationaux des combustibles fossiles, le nucléaire affiche un coût de production peu élevé, stable et prédictible.

C'est un atout essentiel pour le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises.Dès lors que cette dimension économique est intégrée dans la réflexion, le nucléaire, là encore, marque un point par rapport aux stratégies qui prônent son abandon. Et cela d'autant plus qu'il se confirme comme un secteur extrêmement dynamique de l'économie française, favorable à l'emploi et grand pourvoyeur de recettes pour le commerce extérieur.

Passé, comme les autres stratégies énergétiques, au crible de l'analyse, le nucléaire tire fort bien son épingle du jeu ! Aucun argument convaincant n'a été jusqu'à présent proposé, dans le cadre du DNTE, qui justifierait sa mise à l'écart. Plutôt que d'?uvrer à sa marginalisation ce débat semble au contraire constituer pour le nucléaire l'opportunité de conforter son crédit.
 

*Francis Sorin est le directeur du Pôle Information de la Société Française d'Energie Nucléaire