Grand Paris : la ville pour tous... Vraiment ?

Par François Asensi*  |   |  856  mots
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Alors que l'Assemblée Nationale a adopté, le 23 juillet dernier en première lecture, le projet de loi du gouvernement Ayrault sur la décentralisation, certains parlementaires montent au front pour s'opposer à un projet qui renforcerait les inégalités fiscales, et délaisserait encore davantage les zones rurales. Pour François Asensi, député Front de gauche de Seine-Saint-Denis et maire de Tremblay-en-France, la métropole du Grand Paris est au centre même de cette logique...

Le débat sur les métropoles n'a pas eu lieu. A l'Assemblée nationale, en quatre jours à peine, l'organisation administrative héritée de la Révolution française a été détricotée, et avec elle, ses espaces de démocratie locale que sont les communes. Après le coup de force sur Marseille, où 109 des 119 maires s'opposent au projet de métropole, le Gouvernement a imposé une reprise en main recentralisatrice de l'Ile-de-France par un amendement tombé du ciel, ou plutôt d'une lettre ouverte d'élus socialistes franciliens. Aussi incroyable et peu démocratique que ce soit, 46 pétitionnaires auront réglé le sort de l'Ile-de-France et de ses 12 millions d'habitants. En une nuit, en changeant du tout au tout le projet initial de création des métropoles, la majorité a foulé au pied les propositions concertées des élus locaux, dans le cadre de Paris Métropole et des Etats généraux de la décentralisation.

Pas de débat dans l'opinion

Pire, le long et patient travail des collectivités locales franciliennes, mené avec les habitants, se trouve mis à terre : suppression programmée des intercommunalités et de leurs projets aussi novateurs que solidaires, marginalisation totale des communes, disparition à terme des départements.

Dans l'opinion, ce débat n'aura pas plus eu lieu, le gouvernement faisant le choix d'un examen en plein c?ur de l'été. Plus que jamais, l'exigence de référendum sur les métropoles, portée par le Front de gauche, est incontournable. Repoussée de manière incompréhensible par les députés socialistes et écologistes, cette consultation des citoyens doit être introduite par le Sénat. Comment espérer construire une métropole francilienne citoyenne en privant les habitants de toute sur une modification aussi radicale des institutions ?

Des zones rurales livrées à elles-même

Bien évidemment, le statu quo est intenable dans une Ile-de-France des paradoxes, une des régions les plus riches d'Europe, mais aussi les plus inégalitaires. Mais une seule question doit prévaloir : l'outil métropolitain permettra-t-il de combattre la spécialisation des territoires ? La réponse est non, elle l'accentuera.

Au niveau national, nous assisterons à une fragmentation du territoire de la République, entre des zones métropolitaines insérées dans la mondialisation et des zones rurales toujours plus délaissées par le désengagement de l'Etat. Au sein de l'Ile-de-France, une nouvelle frontière se constituera entre la métropole et le reste de la région et, au sein même de cette métropole, le centre dominera sa périphérie, avec l'absorption de la petite couronne par Paris. Nous voici revenu au Baron Haussmann ! Le c?ur d'agglomération pourra à nouveau bétonner les villes populaires des grands ensembles, renforçant les logiques de ghettoïsation. La machine à reproduire les erreurs du passé est en route !

L'injustice de la fiscalité locale ne sera pas réglée

Tout aussi révoltant, la solidarité financière manque à l'appel. Dans la loi, rien n'est prévue sur la péréquation des droits de mutation, qui s'alimentent de la spéculation immobilière dans le centre de l'agglomération. Même le fond départemental de 50 millions, cache-misère, a été renvoyé en loi de finances !

Rien n'est prévu pour remettre à plat l'injustice de la fiscalité locale. Les habitants de Sevran paient cinq fois plus de taxe d'habitation que les Neuilléens. Où est l'égalité républicaine ? Alors que des collectivités en grande difficulté, en Seine-Saint-Denis par exemple, doivent imposer lourdement leurs contribuables pour rester à flot, la ville de Puteaux garde jalousement un bas de laine de 228 millions d'euros. Comment une métropole solidaire pourrait-elle se construire en conservant des paradis fiscaux? Je rappelle que si les habitants de Neuilly, dont près du quart s'acquitte de l'ISF, étaient imposés à même hauteur que les habitants de Sevran, 107 millions d'euros pourraient alimenter la solidarité métropolitaine !

Trois principes pour une métropole solidaire et dynamique

Avec cette métropole, monstre technocratique éloigné des citoyens et couche supplémentaire au mille-feuille institutionnel, aucun des problèmes fondamentaux des franciliens ne se réglera : mal-logement, chômage, environnement dégradé, transports en commun coûteux et d'un autre siècle...

Construire une autre métropole, solidaire et dynamique, ne peut reposer que sur trois principes. L'association forte des habitants au devenir métropolitain, le renforcement des coopérations entre les villes pour consolider les projets de territoire, et enfin la réaffirmation du rôle de l'Etat dans l'égalité des territoires, afin de répartir justement les richesses. C'est tout le contraire dans ce projet de loi, avec la victoire du laissez-faire sur fond d'austérité et de baisse des dotations aux collectivités.

Dès la rentrée, un vrai débat doit enfin s'ouvrir dans les territoires, dans les conseils municipaux, dans les associations, pour défendre l'ambition du droit à la ville pour tous : un même accès aux richesses, aux savoirs, aux services publics, à la santé, à l'éducation pour tous les habitants d'Ile-de-France.