Merkel, symbole tranquille de l'élargissement européen continu de l'Allemagne

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  707  mots
Jean-Christophe Gallien. DR
Après son succès électoral, Angela Merkel va investir encore plus les dossiers européens. N'oublions pas que l'Allemagne pense l'Europe comme une affaire allemande. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1 la Sorbonne

Les Allemands ont choisi Mutti la protectrice, Mutti l'Allemande, celle qui a conduit une campagne « Für Deutschland ». Angela Merkel véritable miroir de son pays est donc sacrée par un triomphe solitaire après une campagne totalement individualisée. Elle devient le seul dirigeant européen à avoir traversé la crise qui a éliminé implacablement tous les autres leaders, de Nicolas Sarkozy à Gordon Brown en passant par les Zapatero ou Monti. Elle marche dans les pas légendaires de Konrad Adenauer qui avait fait de la CDU le parti national hégémonique. Merkel a successivement et méthodiquement vampirisé son parti, ses alliés voire même ses adversaires. Prochaine étape en cours : l'Europe ?

Une période forcément plus européenne

La période qui va s'ouvrir en cette fin d'année 2013 et surtout en 2014 sera forcément plus européenne. L'élection allemande clôt une période électorale européenne interne qui a, n'en doutons pas, largement gelé la politique européenne et ses évolutions. Se profilent aussi les élections du Parlement européen. Et déjà beaucoup d'observateurs s'interrogent : la Merkel 3 sera-t-elle une Merkel plus européenne ?

Helmut Kohl avait su refaire l'Allemagne sans casser l'Europe, mais c'était avant le passage tellement allemand et si peu européen de Gehard Schroeder qui déclarait, par exemple, prophétiquement dans l'indifférence générale en 1997: "Que se passera-t-il lorsque l'outil de la dévaluation ne sera plus disponible en Espagne et en Europe et que l'économie allemande s'imposera partout grâce à ses énormes gains de productivité avec la monnaie unique ?".

Le prolongement naturel de la réunification

C'était aussi avant le prolongement « naturel » de la réunification via l'élargissement européen à l'est de 2004. Il faut sans cesse le redire, l'ouverture à ces 10 pays a profondément modifié les paradigmes allemand et européen. L'Allemagne a retrouvé un « hinterland » lui offrant une respiration économique notamment à travers des sous traitants et des travailleurs bon marché mais aussi une autonomisation et une puissance diplomatique renouvelées avec des alliés fidèles au cœur du processus européen.

Angela Merkel est l'héritière à la fois de tous ses prédécesseurs mais aussi de ce mouvement continu d'élargissement de la géographie de l'influence et de la puissance de l'Allemagne. Surtout Angela Merkel comme ses concitoyens, sait, il faut enfin le comprendre, que son destin national est européen.

L'Allemagne pense l'Europe comme une affaire allemande

De la présence massive et déterminée de ses Land à Bruxelles, en passant par sa capacité à déterminer une position allemande sur quasiment tous les sujets en débat, l'énergie déployée à occuper tous les espaces disponibles au coeur des institutions, jusqu'à l'appel de la Chancelière à plus d'intégration politique, l'Allemagne pense l'Europe comme une affaire allemande.

Les Allemands ont compris que les affaires européennes sont des affaires intérieures et depuis longtemps. Exemple avec l'euro qui facilite d'abord les échanges au sein de l'Union. Les échanges mais aussi la concurrence. L'Allemagne l'a compris depuis longtemps, pas la France.

Il est temps de réagir

Il est temps de réagir. Il ne faut pas tenter de tricher avec l'opinion. Il faut dire aux Français la réalité : pas de politique, pas de norme communautaire qui n'ait été débattue et négociée par les représentants français à Bruxelles et ainsi approuvée par l'Allemagne. 80 % de notre droit est européen. Ce n'est pas une menace, c'est une chance à condition de peser de toute notre force pour qu'il nous soit favorable. Il ne faut pas en avoir peur, l'Allemagne est là encore un bon exemple. Elle défend ses intérêts comme le Land de Bavière défend les siens à Berlin ou à Bruxelles. C'est une culture qu'il nous faut intégrer au plus vite.

Toute l'expérience allemande n'est pas bonne à copier, loin de là, mais notre avenir dépend de notre place au sein de l'Europe et de la place de l'Europe dans le Monde. Soyons-en certains,

 

*Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a, Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals