Arrêtez de tirer sur le CICE !

Par Bernard Cohen-Hadad  |   |  1048  mots
Bernard Cohen-Hadad, président de la Commission Financement des entreprises de la CGPME, ne comprend pas les polémiques autour du CICE, un outil selon lui indispensable dans les temps économiques troubles que nous vivons. | DR
Les critiques vont bon train contre le Crédit Impôt Compétitivité et Emploi (CICE), mis en place par le gouvernement le 1er janvier dernier. Pour Bernard Cohen-Hadad, Président de la Commission Financement de la CGPME, cette mesure est pourtant idéale pour baisser le coût du travail, et garder le cap sur l'emploi.

De quel défaut originel est coupable le Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) ? C'est la question que chaque entrepreneur à la recherche de financements, dans les territoires, est en droit de se poser tant ce dispositif récent, qui dispose d'une enveloppe de 20 milliards d'euros, semble ne pas répondre aux attentes d'une multitude de lobbies, acteurs économiques ou politiques.

Un dispositif pas si cher

On entend ou lit, à son sujet, le meilleur et le pire. En réalité, c'est simple, le Crédit Impôt Compétitivité Emploi bénéficie aux entreprises de toutes tailles - quel que soit leur mode d'exploitation et quelle que soit leur activité - qui emploient des salariés et qui sont imposées sur l'impôt sur les sociétés ou sur l'impôt sur le revenu d'après leur bénéfice réel.

Ce crédit d'impôt porte sur toutes les rémunérations versées aux salariés au cours d'une année civile et qui n'excèdent pas 2,5 fois le SMIC calculé sur la base de la durée légale du travail. Pour 2013, le taux du CICE est de 4%. Il est de 6% pour l'année 2014. Contrairement à ce que l'on dit ce crédit n'est pas cher. Les entreprises patrimoniales savent que se financer a un coût. Et du moment qu'elles trouvent des moyens, où est le drame ?

Reconnaître que TPE et PME ont besoin d'aide pour embaucher

Le CICE est un crédit pour aider les PME et non pas un encouragement à limiter l'augmentation des salaires. Évitons la démagogie. Ce que l'on peut craindre, comme à l'accoutumée, c'est que lorsque ce dispositif cessera, les lésés ne seront pas ceux qui l'ont combattu, pour ne rien proposer en échange, mais les entreprises qui en avaient réellement besoin, en ont bénéficié et l'ont utilisé comme un ballon d'oxygène.

Car le CICE a un objectif à moitié avoué : diminuer le coût du travail des entreprises, celles qui connaissent des difficultés ou qui sont fragiles. Et la plupart du temps, qui emploient une main d'œuvre peu ou pas qualifiée. On pense naturellement au commerce et à la petite industrie. Sans aucun doute le tabou est là. Encourager le CICE, c'est implicitement reconnaître que, sans soutien, compte tenu des charges sociales qui pèsent sur les entreprises en France, les TPE et les PME ne pourront pas embaucher ni étayer la dynamique de la relance.

La difficulté d'une baisse réelle du coût du travail

L'enjeu est donc de donner aux entreprises les moyens financiers pour l'emploi et d'y parvenir. En ce domaine il n'est pas de science exacte. Dès le début, les entrepreneurs ont souligné qu'ils auraient préféré des baisses de charges pour faire face à la réduction des marges et au durcissement des offres de financement. Même avec pour cible la reprise de l'emploi, Il ne fallait pas y compter.

Contre mauvaise fortune, c'est-à-dire compte-tenu du niveau de la dette publique, les organisations patronales ont marqué leur attention au projet sous bénéfice d'inventaire. A condition que toutes les entreprises des secteurs où l'emploi et l'activité sont en difficultés puissent en bénéficier immédiatement. Ainsi BPI France, a été chargée de monter en puissance pour mettre en place un dispositif de préfinancement.

Un dispositif efficace et rodé

Reconnaissons que, malgré des débuts de communication difficiles, ce qui pouvait apparaître compliqué est maintenant clair, efficace et rodé. Actuellement près de 11.000 entreprises en ont bénéficié. Les dossiers de préfinancement du CICE sont accessibles en ligne sur le web. Et, en 20 jours, on peut obtenir un apport de trésorerie pour un montant allant jusqu'à 85 % du financement anticipé du CICE.

BPI France a même préfinancé des montants de moins 950 € pour soutenir des TPE. Le sait-on ? Quant aux entrepreneurs de TPE ou PME qui ne veulent pas passer à côté de cette facilité, en cas de bug, ils peuvent se faire assister de leur expert-comptable ou faire appel à leur agence bancaire.

Les entreprises fragiles ne séduisent pas les banques

Encore faut-il que les agences bancaires jouent le jeu. Sur le papier, les banques font partie du dispositif et le proposent à leur client. Tout semble organisé et bien huilé. Ombres au tableau, le CICE les indiffère ; la motivation dépend des réseaux, de la relation banque-PME et des politiques commerciales des établissements financiers.

Chacun sait que certains réseaux ne voient pas d'intérêt à un dispositif qui intéresse une clientèle d'entreprises fragiles, conjoncturellement en difficulté, en attente de crédit de trésorerie ou en besoins de fonds de roulement, qu'ils ne souhaitent pas forcément aider.

Quant aux entreprises en bonne santé, elles n'ont aucun problème de financement, le préfinancement n'est pas leur préoccupation. D'autant que pour conserver cette clientèle d'entreprises rentable, les banques mettent à leur disposition une panoplie des prêts classiques à des taux très compétitifs ou bien ouvre les robinets du crédit contractuel. Malheureusement ce n'est pas la situation que vivent la majorité des entreprises patrimoniales.

Le racket : la concurrence des temps de crise

C'est pourquoi, dans la situation économique et financière dans laquelle nous vivons, qui connait actuellement un pic de TPE en difficultés, la concurrence prend souvent la forme d'un racket ou d'une pression sur les commandes et sur les marges. Le CICE, appliqué dès 2013, devient alors une vraie opportunité.

C'est pour ces raisons qu'il faut laisser ce dispositif s'installer dans les mentalités et dans la durée. Tout mettre en œuvre pour y orienter les entreprises qui en ont vraiment besoin. Et veiller à ce qu'elles ne se fassent pas voler ce droit à un appel d'air. Enfin, arrêtons de coller notre nez sur les statistiques et de penser que c'est l'effet de masse qui justifie une utilité sociétale dans les régions.

 

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*Bernard COHEN-HADAD est Président du Think Tank Etienne Marcel et Président de la Commission Financement des entreprises de la CGPME. Retrouvez toute ses actualités sur son blog.