Lyon-Turin : pourquoi il faut stopper le projet

Par Bertrand Pancher  |   |  698  mots
Pour Betrand Pancher, député UDI de la Meuse, ce n'est pas le meilleur moment pour dépenser les 26,1 milliards d'euros que coûteraient le projet de TGV transalpin... | DR
Coût pharaonique, non examen des alternatives: il y a tout lieu de s'opposer au projet loi sur la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Par Bertrand Pancher, député de la Meuse, responsable du Pôle Écologie de l'UDI

 Le parlement s'apprête à examiner le projet de loi autorisant l'accord entre la France et l'Italie pour la réalisation et l'exploitation de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Ce traité est le fruit d'une longue histoire qui a pris racine dans les années 90 et a déjà fait l'objet de deux accords internationaux, en 1996 et en 2001 puis d'un 3e le 30 janvier 2012. Le nouvel accord, objet du présent projet de loi, porte notamment sur le tracé définitif, la prise en charge financière, les principes de gouvernance de l'opération, les modalités de réalisation et la politique de report modal.

S'interroger sur la poursuite du projet

La création de cette nouvelle ligne ferroviaire se fondait sur plusieurs arguments : la concentration des flux de poids lourds sur seulement trois axes, la saturation de la voie ferrée sur la côte méditerranéenne, les caractéristiques très difficiles de la ligne historique de la Maurienne et l'insuffisance des liaisons ferroviaires entre les grandes agglomérations alpines du versant français, en particulier la liaison entre Lyon et Chambéry. Elle devait permettre de basculer de la route vers le fer le trafic de marchandises traversant les Alpes entre la France et l'Italie, d'améliorer les liaisons entre les grandes agglomérations alpines des deux pays  et de réduire le temps de trajet Paris-Milan à 4 heures (contre 7 heures aujourd'hui).

Crise économique et budgétaire, chute drastique des moyens, endettement de la SNCF tout comme de son homologue transalpine Ferrovie dello Stato, prise en compte des arguments des associations environnementales et d'usagers, mise en évidence d'autres alternatives : il y a bien lieu aujourd'hui de s'interroger sur la poursuite du projet.

 

Un coût  pharaonique

Alors que l'accord n'évoque à aucun moment le financement de ce projet, la Cour des Comptes évalue son coût total à 26,1 milliards d'euros au total, contre 12 milliards à l'époque. L'Union Européenne est invitée à participer à hauteur de 40 % pour la section internationale, mais tout reste à faire, compte tenu de la baisse des moyens à l'échelle de l'Union et d'autres projets à soutenir.

D'importants tronçons français, comme le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise ne seront pas soutenus. Comment, d'ailleurs, sera précisément répartie la prise en charge des 60% restants dans un contexte de surendettement du secteur ferroviaire en France et des marges de manœuvre budgétaire de l'AFITF considérablement rognées par la non affectation de la moitié de la taxe poids lourd ?

 

En contradiction avec  la Commission "Mobilités 21"

Le rapport de la Commission "Mobilités 21" mandatée par le gouvernement pour préciser les grandes orientations de la France en matière d'infrastructures de transport a conclu que, dans un contexte économique et budgétaire contraint, la priorité des investissements en matière d'infrastructures de transport doit aller vers la modernisation et la mise à niveau du réseau existant plutôt que vers des projets de développement dispendieux.

Il est étonnant de constater que le Gouvernement soutient un projet qui va absorber une large part des financements dévolus aux projets d'infrastructures de transport, alors même que la Commission Duron a littéralement enterré toute une série de projets tout aussi essentiels et qui appelaient également des financements européens.

 

L'intermodalité dans la région doit être renforcée

L'actuelle ligne historique du Mont-Cenis, entre Lyon et Turin, est très largement sous-utilisée avec moins de 4 millions de tonnes par an de marchandises, alors qu'une étude commandée par l'Union Européenne estime que le trafic de marchandises pourrait atteindre 17 à 19 millions de tonnes par an, soit 4 à 5 fois plus qu'actuellement. La Cour des comptes a d'ailleurs récemment rappelé qu'il fallait utiliser au mieux le réseau existant et a déploré l'insuffisance du ferroutage dans cette région, faute d'une politique volontariste.

Dans ces conditions, plutôt que de leurrer l'opinion publique, les élus locaux et d'éventuels investisseurs en leur faisant miroiter un énorme projet d'investissement qui ne verra jamais le jour avant au moins 15 ou 20 ans, ne conviendrait-il pas mieux d'abandonner ce projet ? Pour ce qui me concerne, je ne voterai pas la ratification de ce traité.