Hollande, la présidence effacée

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  847  mots
D'abord brouillée, la présidence Hollande est en train de s'effacer. Faute de scénario elyséen. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l’Université de Paris 1 la Sorbonne

La triste affaire dite Léonarda, après d'autres cas, vient explorer les difficultés de l'Élysée à maîtriser certaines situations de communication. Nous pourrions parler de situations de gouvernement, tant communication et gouvernement sont, quel que soit l'étage institutionnel et plus largement quelle que soit la responsabilité publique ou privée, totalement intégrés ou consubstantielles l'une de l'autre.

Une difficulté devenue structurelle

Mais comment une situation banale peut-elle dégénérer à ce point en farce nationale et internationale. Pour vous en convaincre, lisez la presse et regardez les médias audiovisuels européens et au delà ! Certes, il n'y a pas de gouvernement sans crise, et on gouverne désormais dans la crise, mais là, nous sommes au cœur d'une difficulté devenue structurelle.

Une présidence qui s'efface

La présidence Hollande se voulait normale, simple et accessible.Incertaine elle s'est trop rapidement brouillée. Elle est en train de s'effacer. Point de guide, de moins en moins de chef, crédibilité attaquée, légitimité bagarrée, … confiance ajournée. Un an et demi après sa victoire, on ne trouve pas vraiment de code génétique à l'expérience Hollande. On attend encore un exercice présidentiel à la fois libéré et maîtrisé, local et global, populaire et incarné, ouvert et agissant.

 Le Président, on doit le détester ou l'aimer

On le sait désormais, la marque politique Hollande sera pour plus tard. Pourtant dans nos démocraties, comme pour une marque, le Président, on doit le détester ou l'aimer. Son expression doit faire rêver des fans ou inquiéter des adversaires, loin de cette indifférence qui frappe cette présidence et, au delà, notre pays dans son expression internationale. Le Président doit avoir des cibles, les "impacter", les fidéliser et les développer sans cesse. Ne pas trop lire de sondages qui l'éloignent, tout autant que le Château et sa cour, de ses publics réels.

Y'a-t-il des scénaristes à l'Élysée? Un scénario?

Le faible capital politique crée par la victoire de 2012 ne pouvait seul nourrir l'espoir d'une conversation durable et confiante avec les français au delà de la courte transition estivale. Il fallait que les scénaristes de l'Elysée nous livrent des séquences à dévorer épisodes après épisodes. Mais y-a-il des scénaristes à l'Elysée ? Et même osons la question : y-a-t-il un scénario ?

Dans la série de François Hollande, il y a beaucoup trop de bruits, des séquences sans contrôle qui s'entrechoquent, une équipe qui comporte trop d'acteurs, jusqu'aux second rôles, voire même des figurants qui veulent occuper tout l'écran. Alors que la star elle-même semble se chercher, parfois même se cacher, épisode après épisodes, les ambitions personnelles se saisissent de la moindre miette d'opportunité d'existence médiatique et politique. Dans l'affaire Léonarda, sa compagne, certains de ses ministres, de nombreux membres de son parti, ses alliés politiques … les paroles furent rapides, nombreuses, et totalement affranchies.

Un tempo non maîtrisé

Trop d'acteurs donc mais pas ou pas assez de scénaristes, et pas de scénario lisible pour les citoyens. D'hésitations en arrogances et dispersions, le tempo de l'intrique nationale n'est pas maîtrisé et plus personne ne comprends la narration présidentielle.

Comment faire pour sortir de cette impasse, tenter de faire rêver les supporters et de faire peur aux adversaires, et surtout se relier à nouveau au pays et au Monde réel ?

Présidentialiser...

Certes, avant tout, il faut des résultats tangibles. Il faut aussi d'urgence présidentialiser en proposant une nouvelle forme présidentielle adaptée au quinquennat et à la crise. Un véritable Grand frère qui s'engage plutôt que le remake du petit Père de la nation. Parler, guider, dresser la perspective et le tempo des séquences et incarner la - seule - direction en laissant le reste au gouvernement. Un gouvernement dirigé, discipliné, des ministres qui agissent, concentrés sur leur tache propre et qui gouvernent leurs administrations, au service du seul intérêt général du pays. Un gouvernement à resserrer aussi comme la majorité et son parti autour de l'action et qui doit suspendre le débat permanent.

... et internationaliser

François Hollande doit aussi davantage internationaliser sa présidence et pas seulement par le bruissement global non maîtrisé des affaires françaises. Dans ce monde qui bouge, qui se repolitise, avec l'affirmation de nouveaux leaders et de nouvelles puissances, il doit rapidement parvenir à incarner et consolider sa dimension globale pour porter la marque France. Enfin François Hollande doit territorialiser sa conversation. Il doit renouer un dialogue authentique et identitaire avec toute la France des territoires et réinvestir le lien entre temps citoyen et temps du projet pour tenter de créer la confiance.*

Jean Christophe Gallien, Président de j c g a, membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals