Travail dominical : en finir avec le cas-par-cas !

Par Pierre Gogin  |   |  779  mots
Pierre Gogin milite pour l'égalité et la liberté d'ouvrir son magasin le dimanche, sans préférences sectorielles. Mais veut aussi des compensations pour les salariés qui se portent volontaires. | DR
Le virulent débat sur le travail du dimanche ne finira que quand les pouvoirs publics arrêteront les différenciations sectorielles. Par Pierre Gogin, président délégué de la Fédération Professionnelle des Entreprises et Vice-Président du Conseil du Commerce de France.

Le débat permanent sur l'ouverture des commerces le dimanche, avec ses contentieux réguliers, démontre que cette question concerne nos vies privées, l'éducation de nos enfants, nos loisirs, interroge sur la place du travail, se place au cœur des évolutions de nos sociétés et des technologies de communication, mais aussi renvoie à l'efficacité de l'entreprise et donc à l'emploi. Il est de ce fait illusoire d'envisager de régler le problème posé hors cette globalité des enjeux.

Et l'égalité commerciale ?

La question de l'ouverture des commerces le dimanche doit d'abord être regardée du point de vue du consommateur. Force est de constater que la législation actuelle vient le limiter ou l'orienter dans sa fonction d'acheteur : oui au verre à la terrasse d'un café, oui au cinéma, oui à l'achat d'une plante, mais non à celle d'un vélo ou d'une perceuse, oui à l'achat d'un meuble de salon mais non à celle d'un four à micro-­ondes. Et plus grave : oui à vos achats sur internet, mais non à ceux en magasins !

Cette incohérence devient ubuesque et il n'est donc pas étonnant que les consommateurs soient désormais près de 70% à souhaiter plus d'ouvertures des commerces le dimanche. Écoutons les!

Arrêtons le cas par cas et écoutons les chefs d'entreprises

Et arrêtons le saupoudrage de réponses règlementaires sectorielles qui ne mènent qu'à des frustrations et des ruptures d'égalité du commerce. Si des magasins de meubles peuvent ouvrir le dimanche il faut bien sûr le permettre aussi à ceux de l'électroménager. Et puisque rien n'empêche une jardinerie, autorisée actuellement à ouvrir, de vendre des vêtements de pluie ou des vélos ou des outils…

Il est illusoire de maintenir une interdiction aux secteurs du bricolage, du sport ou de l'équipement de la personne. Les secteurs ne sont pas étanches entre eux et seule une vision globale du commerce et de la consommation apportera une réponse efficace et durable.

Écoutons également les chefs d'entreprise et les commerçants. Ils disent quasiment tous de leur laisser la liberté d'ouvrir ou pas leurs commerces le dimanche. Ils ne disent pas que tous les magasins du commerce de détail doivent être ouverts. Ils veulent pouvoir jouer à égalité avec les pure-­players d'internet et ne pas dérouler tous les boulevards pour Amazon.com !

Les commerçants et chefs d'entreprises souhaitent simplement rester maîtres de ce qui est bon, opportun ou efficace pour l'entreprise. Et donc pour l'emploi. Écoutons les. Et on verra que, en fonction des localisations et des opportunités, certains commerces ouvriront le dimanche, mais d'autres pas. Certains ouvriront puis fermeront et d'autre le contraire, la souplesse restant un gage d'adaptation et donc d'efficacité.

Pas de travail dominical sans compensations

D'autant plus que cette liberté du chef d'entreprise peut très bien rejoindre celle du salarié.
Le volontariat de celui­-ci pour travailler le dimanche doit et peut être respecté et assuré. Il n'est pas souhaitable d'empêcher l'étudiant de payer ses études. Il est dogmatique de chercher à interdire la mère de famille d'augmenter son revenu dès lors qu'elle peut, par un effet de roulement des équipes, travailler un ou deux dimanches par mois.

Deux conditions doivent simplement être réunies pour protéger le salarié : le vrai volontariat et les compensations. Les compensations salariales du travail dominical doivent être, dans le principe, encadrées par la loi, et devront être mises en oeuvre concrètement par un accord d'entreprise ou de branche. Le principe est de conserver au dimanche son caractère de journée différente des autres, de jour de la semaine privilégié pour la vie de famille, l'éducation, les amis, le repos, les loisirs, le sport. Il faut conserver ce repère sociétal tout en préservant les libertés.

Une réforme globale pour plus de liberté

Pour cela et à l'exception sans doute de certains contrats de travail spécifiques, comme par exemple les contrats saisonniers en zones touristiques, la majoration salariale significative pour travail le dimanche doit être la règle. Jusqu'à présent toutes les réformettes sur ce sujet ont échoué car elles ont été sectorielles et sont venues complexifier la législation.

Celle­-ci doit désormais être simplifiée notamment en revenant sur les arrêtés de fermeture obsolètes et les dérogations sectorielles ou géographiques aux frontières trop floues et contestables. La réforme doit être globale pour le commerce et bien intégrer ces objectifs de liberté des entreprises et des consommateurs, ainsi que de volontariat et de compensations pour les salariés.