Faut-il jeter avec Ecomouv' tous les partenariats public privé ?

Par Pierre-Marie Vague  |   |  762  mots
Pour Pierre-Marie Vague, chargé de cours à l'IAE d'Aix en Provence, les partenariats public privé posent le problème de la capacité de négociation de certaines collectivités
Le contrat entre l'Etat et Ecomouv' pour la gestion de l’écotaxe a suscité la polémique. Et ce sont tous les partenariats public-privé qui sont aujourd'hui critiqués. Il est vrai que la question de la négociation financière est cruciale, pour certaines collectivités parfois peu armées. Par Pierre-Marie Vague, Chargé de cours à l’IAE d’Aix-en-Provence et à Kedge BS Marseille

La rapidité et l'ampleur de la polémique sur le contrat conclu entre l'Etat et la société Ecomouv' pour le recouvrement de l'écotaxe poids lourds démontrent, s'il en est encore besoin, la méfiance de l'opinion publique et des élus vis-à-vis du partenariat public-privé (PPP). Sans examiner ici les conditions de ce contrat précis, on peut s'interroger sur les causes de ce rejet persistant alors que plus de 180 contrats ont été attribués depuis 2004 par l'Etat, les collectivités locales et autres établissements publics.

Une remise en cause de l'action publique traditionnelle

Le contrat de partenariat bouleverse une conception traditionnelle de l'action publique, chère aux Français, selon laquelle les pouvoirs publics représentent et garantissent l'intérêt général. Or, dans le partenariat, la personne publique confie à une entreprise la tâche de concevoir le projet, en raison de la complexité de celui-ci - ce qui est un des cas de recours légaux au contrat. Le projet ainsi défini est soumis à l'approbation de la personne publique et fera l'objet du contrat. Dans le cas de l'écotaxe, les services de l'Etat estimaient ne pas être en mesure de bâtir et d'exploiter les systèmes d'identification des poids lourds et de contrôle des paiements ; ailleurs, il s'agissait de construire de grands stades ou de réduire la consommation des éclairages publics.

La personne publique doit rester aux commandes

Dans les marchés publics, s'il est très souvent fait appel à une assistance privée pour la conception, du moins la personne publique reste-t-elle aux commandes en imposant ses idées et son calendrier. En outre, les prestations dans le partenariat sont délivrées par l'entreprise sur une durée longue (parfois 25 ans) sans intervention de la partie publique, sous peine de briser l'équilibre contractuel. Le pilotage de la relation s'effectue donc par le biais de clauses écrites antérieurement, qui ont pour effet en général de diminuer la rémunération au privé (changer les clauses est une renégociation dont l'issue n'est pas garantie).

Des conditions financières accordées aux entreprises privées, parfois contestables

Le contrat de partenariat obéit aux grands principes de la commande publique ; il a été contrôlé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour des comptes. Ainsi, le principe du paiement de loyers mensuels par le public au privé, sur toute la durée du contrat, n'est pas contestable. Mais les critiques sur le partenariat - et celles sur le PPP écotaxe en particulier - visent essentiellement les modalités de passation des contrats et les conditions financières accordées aux entreprise privées.

On entre alors dans l'aspect le plus délicat du partenariat, celui de la liberté de négociation. La radicalité de cette mesure et les conflits potentiels qu'elle ferait naître ont apparemment été sous-estimés par les promoteurs du texte.

 La liberté est la règle, en matière de rémunération

En effet, les administrations évoluent d'habitude dans un cadre extrêmement précis quand elles sollicitent les entreprises, en matière de négociation et de rédaction des contrats. A l'inverse, en partenariat, la liberté est la règle, pour la sélection des clauses, la rémunération du privé et le suivi de l'exécution du contrat, sous réserve des limites évoquées. Certes, il existait déjà les méthodes du dialogue compétitif et de la procédure négociée ; mais elles restaient jusqu'à présent d'un usage exceptionnel et, de fait, prudent de la part des agents.

L'exigence d'une capacité de négociation de la part des collectivités

Dans un contexte de tension des finances publiques, le contrat de partenariat créé par ordonnance en 2004 apparut comme une solution tout indiquée pour maintenir l'investissement public, puisque l'entreprise prend à sa charge le financement, la construction et l'exploitation de l'équipement projeté.

Néanmoins, il exige une expertise et une capacité de négociation dont les collectivités (notamment les plus petites) ne disposent pas toujours, malgré l'aide de la Mission d'appui aux partenariats public-privé qui dépend du ministère de l'Economie. Sauf à considérer les agents publics et les élus comme irresponsables en supprimant toute autonomie, cette liberté peut être vue comme un atout pour exiger la meilleure formation pour les agents et développer une culture de la responsabilité dans la gestion des collectivités.

 

 

Pierre-Marie VAGUE

Chargé de cours à l'IAE d'Aix-en-Provence et à Kedge BS Marseille