Chômage : un bon diagnostic, une solution erronée

Par Marc Guyot et Radu Vranceanu  |   |  623  mots
François Hollande a raison de diagnostiquer un problème d'offre pour l'économie française. Mais les baisses de charges ne sont qu'une solution de court terme. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l'Essec

Selon François Hollande, le seul moyen qui resterait au gouvernement pour inverser enfin la courbe du chômage serait que les entreprises françaises redeviennent compétitives. Ainsi, la proposition phare du « Pacte de responsabilité » est une réduction des charges pesant sur les entreprises d'environ 35 milliards d'euros, si celles-ci s'engagent à créer des emplois.

L'exigence de contreparties en échange de la baisse des charges dénote une vision administrative de l'économie, bien éloignée de l'économie de l'offre à laquelle le Président affirme s'être converti. Selon les principes de l'économie de l'offre, les Autorités doivent créer un environnement porteur pour les entreprises pour contribuer à leur profitabilité. L'exigence de « contreparties » créé par nature une contrainte supplémentaire pesant sur les entreprises ce qui rend de fait plus hostile leur environnement. Comme pour le CICE, il est donc à craindre qu'un grand nombre d'entreprises refuse le cadeau présidentiel, en redoutant l'exécution des contraintes.

Un raisonnement assez rudimentaire

La conception économique derrière le Pacte de responsabilité dénote un raisonnement plutôt rudimentaire selon lequel réduire les charges sur le travail permettrait une baisse durable du coût par unité de bien produite. Certes, une réduction des charges devrait dans un premier temps réduire ce coût ; mais rien ne garantit qu'à plus long terme, les syndicats ne réussissent à imposer des hausses de salaire, qui viendraient alors contrecarrer la réduction des charges. En réalité, ce n'est pas le niveau élevé des charges qui a amoindri la compétitivité des entreprises françaises, c'est le fait que la France est quasiment le seul pays d'Europe où les hausses salariales excédent systématiquement les gains de productivité.

La bonne solution, une réforme du marché du travail

Dans cette perspective, la vraie solution n'est donc pas la réduction de charges sous forme d'un cadeau ponctuel fait aux entreprises et à leurs salariés. La bonne solution passe par la mise en place d'une réforme du marché du travail à même de freiner les hausses salariales en période de crise. Cela réclamerait un certain nombre de mesures d'urgence comme l'assouplissement de la protection légale de l'emploi, la création de plusieurs salaires minimum par branches, une obligation pour les syndicats de prendre en compte le chômage (par exemple en rendant les chômeurs membres des syndicats), une simplification de notre code du travail de 1200 pages, la suppression des contraintes excessives sur la durée légale du travail, la réforme du travail dominical, la suppression des exigences excessives de diplômes et certifications pour des métiers qui n'ont pas vraiment l'utilité.

Ces réformes, se feraient dans une logique de la « fléxisécurité », telle que recommandée par l'UE, à savoir que la flexibilité accrue serait accompagnée d'une plus grande protection des revenus des individus qui perdraient leur emploi.

 Les solutions administratives vouées à l'échec

En Allemagne, la plus grande centralisation des négociations salariales fait que les revendications salariales prennent mieux en compte les gains de productivité et la situation des chômeurs. L'Espagne, la Grèce et le Portugal ont également limité les hausses salariales, voire réduit les salaires, pour que les hausses salariales n'excèdent plus les gains de productivité.

Les « accords de maintien de l'emploi » introduits en Juin 2013 avaient cet objectif. Mais les modalités de mise en œuvre trop complexes, trop contraignantes et réclamant une myriade d'autorisations administratives, ont rendu inapplicable cette réforme de bon sens. La leçon de cet échec est bien que lessolutions « administratives », qu'elles s'appliquent du coté de la demande ou du côté de l'offre, sont vouées à l'échec.