Climat : le réchauffement climatique, une vue de l’esprit ?

Par Vincent Champain  |   |  1071  mots
Inverser le réchauffement climatique, un défi impossible ? Pas si sûr... Par Vincent Champain, économiste et coprésident de l'Observatoire du Long Terme.

Les risques liés au réchauffement climatiques sont à la fois importants, et très probablement liés à l'activité humaine. La majorité des experts s'accorde ainsi sur une hausse des températures de deux à six degrés de plus d'ici 2100 avec des conséquences environnementales graves et irréversibles. D'ores et déjà, la température moyenne de la terre a augmenté de 0,67 °C entre 1920 et 2010 - elle est actuellement plus chaude qu'elle ne l'a jamais été depuis 500 ans. Le niveau des mers a augmenté de plus de 10 cm depuis 60 ans, dont plus d'un quart depuis le début de ce siècle.

Pour la majorité des scientifiques du GIEC, la fonte des calottes glaciaires polaires entrainerait une élévation de 18 à 58 centimètres du niveau des mers durant ce siècle. Et si l'on n'a pas constaté de hausse de température supplémentaire depuis 2000, la majorité des scientifiques l'attribuent au « bruit » inhérent à la climatologie, c'est-à-dire le fait que des tendances de fond (comme le réchauffement), puissent être momentanément masquées par des évolutions de court terme.

Le statu quo n'étant pas soutenable, il y a un impératif moral à agir de façon rapide et significative. Or les efforts peuvent sembler un défi impossible à relever - comment en effet imaginer réduire sa consommation d'énergie ou son impact sur le climat sans une perte de confort massive. Et si l'ensemble des émissions de CO2 mondiales cessaient aujourd'hui, il faudrait, selon les modèles, des centaines d'années pour inverser le réchauffement.

 

Trois exemples d'innovation qui peuvent changer la donne climatique

Mais cette difficulté à imagine le « monde d'après » la transition tient aussi à la difficulté qu'il y a à imaginer la mesure dans laquelle l'innovation technologique nous permettra demain d'avoir autant de confort, avec nettement moins d'impact sur le climat.

Prenons trois exemples. Le premier tiré de la vie de tous les jours, celui des réfrigérateurs et climatiseurs. Depuis des décennies, la réfrigération et la climatisation reposent sur un principe thermodynamique simple : la compression d'un fluide dégage de la chaleur et sa détente en absorbe. On fait donc cheminer un fluide à l'extérieur de l'endroit à refroidir, où il est compressé, puis l'intérieur, où il est détendu. Jusqu'il y a peu, on utilisait des fluides réfrigérants qui ont un impact massif sur le climat : un kg de CFC R-12 a le même impact que près de 11 tonnes de co2, soit presque autant que ce qu'émettra une petite voiture sur toute sa vie. Les produits qui l'ont remplacé ont un impact dix fois plus faible, mais qui reste non négligeable. Or estime que jusqu'à 10 % du réchauffement climatique dû à l'homme et 5 % de la consommation d'énergie sont liés à la réfrigération. Difficile d'imagine faire du froid autrement, tant le processus est ancien et n'a pas connu d'amélioration substantielle ? Et pourtant, des chercheurs viennent de mettre au point une technique basée sur l'effet magnétocalorique qui ne nécessite qu'un fluide à base d'eau, et consomme jusqu'à 30% d'énergie en moins (voir ici).


Le second exemple concerne la mobilité. Un scooter à essence de milieu de gamme neuf coûte 5800 euros [2], et sur la base de 5000 kilomètre annuels (100 jours à 50 km), il émettra  5 tonnes de co2 et coutera 3750 euros d'essence sur une vie de dix ans. Une moto électrique coûte aujourd'hui 8000 euros [3], et peut faire 50 km sur un « plein » de 2,8 kWh qui coûtera 29 centimes d'euros au tarif « heures creuse ». Sur sa vie, elle coûtera moins de 300 euros d'électricité et émettra entre 14 et 200 kg de co2 sur l'ensemble de sa vie si l'électricité est nucléaire, et 400 kg sur le base du « mix électrique » moyen [4] français. Autrement dit, sur une vie de dix ans, le scooter à essence coutera plus de 9500 euros et émettra 5 tonnes de co2, alors que l'équivalent électrique coûtera moins de 8300 euros et émettra entre 10 et 300 fois moins. Cerise sur le gâteau, l'électrique n'a rien à envier en termes de performance : les derniers modèles de moto électriques sur le marché vont de 0 à 100 km/h en 3,3 secondes, soit autant qu'une moto sportive haut de gamme et une seconde de moins qu'une Porsche 911.

Le troisième exemple est celui de la capture de co2 : après tout si l'utilisation d'énergies fossiles tirées du sous-sol génère du co2, pourquoi ne pas remettre ce co2 d'où il vient - sous terre ? Dans l'état actuel des technologies elle augmente encore le coût de l'énergie jusqu'à 90 %. Mais il existe deux raisons d'être optimiste : d'abord, nous n'en sommes qu'au début des recherches. Il est donc probable que l'on arrive à des surcoûts plus raisonnables avec le temps. Ensuite, les industriels sont encore très peu incités à chercher des solutions - en Europe, seule région où existe un « prix du co2 », ce prix est à 4 euros la tonne, alors qu'il devrait être un peu moins de dix fois plus élevé. Si ce prix était au prix « juste [5] » de 30 euros la tonne - qui devrait s'imposer le jour où les gouvernements prendront la mesure d'une situation que la majorité des scientifiques ont établi - les recherches aboutiraient encore plus rapidement.

 

La capture de carbone
(Source : co2solutions)

 

Au total, la réalité du réchauffement, et la nature humaine de sa cause sont avérés pour l'écrasante majorité des scientifiques. Dès lors, il est impératif que les gouvernements, à commencer par les grands émetteurs mondiaux que sont la Chine (29 % des émissions mondiales), les Etats-Unis (16 %) et l'Europe (11 %) s'accordent rapidement pour engager des efforts communs afin de « décarboner » l'économie mondiale. La bonne nouvelle, c'est que si ces efforts se traduisent en recherche et l'innovation, il n'est pas certain que la « transition climatique » se fasse dans la douleur. Bref, le réchauffement est loin d'être une vue de l'esprit, mais c'est probablement en grande partie dans notre imagination que nous devrons chercher les solutions à ce défi.

 

 

 

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[1] « What we know about climate change », E Kerry, MIT Press, 2012.

[2] Modèle retenu : Suzuki Burgman 400 cm3

[3] Modèle retenu : Zero Motocycles Zero XU modèle 2013.

[4] Source : PriceWaterHouseCoopers, 2008.

[5] Plusieurs rapports, dont en France le rapport Quinet, ont montré que ce prix de 30 euros était celui auquel les émetteurs de co2 payaient un coût proportionnel aux dommages qu'ils causent.