Sarkozy humilié … et victime de ses propres lois !

Par François Taquet  |   |  605  mots
L'ancien président avait fait promulgué la loi sur la garde à vue qui l'a aujourd'hui humilié. Tel est pris qui croyait prendre, avec ce régime que certains n'hésitent pas à qualifier de Moyen-âgeux... que François Hollande n'a pas revu, alors qu'il en avait l'occasion. Par François Taquet, Professeur de droit social et avocat spécialiste en Droit du travail et protection sociale.

Que n'a-t-on entendu parler ces temps derniers de la garde à vue de l'ancien président de la République. Selon les dires de la presse, l'intéressé  aurait été bien traité, et on ne lui aurait pas demandé d'enlever sa ceinture et ses chaussures. De même, ladite garde à vue se serait achevée au terme de 14 h alors que les dispositions du Code de procédure pénale permettent d'aller jusqu'à 24 h ! En un mot...un régime presque privilégié comparé à celui que connaissent les 1500 gardés à vue quotidiens !

Malgré ces précautions des juges, l'ancien président estime qu'il y a eu une volonté de l'humilier. Et cela est sans doute vrai ! D'ailleurs les spécialistes en droit pénal n'ont fait que confirmer cette thèse : la garde à vue est une forme d'humiliation où une personne, en dehors de tout procès est placée dans une situation d'inconfort, de faiblesse   et de vulnérabilité. D'aucuns vont même jusqu'à écrire que ce régime, dont le  but est d'extorquer l'aveu, d'exercer des pressions psychologiques, appartient au système inquisitorial du Moyen Age...raison de plus pour que la garde à vue soit exceptionnelle puisque la privation de liberté intervient en dehors de tout jugement.

 

Un texte jugé insuffisant 

Mais, justement, le problème est que les réflexions tout à fait justifiées de l'ancien président de la République se retournent contre lui. En effet, l'intéressé oublierait-il que c'est sous sa présidence et sous la pression de la Cour européenne de Justice qu'a été votée la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue et alors que Claude Guéant (lui-même placé récemment sous le régime de la garde à vue) était Ministre de l'Intérieur ? Loi avec un niveau minimal de garanties.

Sitôt voté, ce texte a d'ailleurs été regardé par les spécialistes comme totalement insuffisant pour protéger les droits des gardés à vue et pire, a souvent été considéré comme pouvant être source de dérives. L'article 62-2 du Code de procédure pénal est tout à fait révélateur de cette insuffisance de droits pour les intéressés puisqu'il permet la garde à vue de toute « personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ». Il est difficile de trouver une définition plus vaste et  toutes les tentatives qui avaient été faites pour essayer de limiter le champ d'application de ce régime ou pour préciser les objectifs visés  se sont heurtées à la dérive sécuritaire ambiante de l'époque !


Quand la gauche oublie aussi les droits de l'homme

Finalement, Nicolas Sarkozy, si prompt à critiquer sa garde à vue n'a-t-il pas été victime de lui-même, c'est-à-dire de l'insuffisance de garanties prévues par une loi promulguée sous sa présidence ?

Mais, le plus piquant dans l'histoire, c'est que la gauche, revenue au pouvoir, n'a rien changé de cette définition à l'occasion de la loi du 27 mai 2014 transposant une directive européenne du 22 mai 2012. Où sont passés les droits de l'Homme et du citoyen ? Où est passée la gauche de Jaurès et de Blum ? Qui compte désormais faire les prochaines réformes pour que les critiques justifiées de l'ancien président de la République ne soient plus jamais formulées ? Faudra-t-il que l'Europe, une fois de plus, fasse comprendre au pays des Droits de l'homme la nécessité de modifier sa législation ?