Hollande, un suicide politique pour la gauche ?

Par Ivan Best  |   |  714  mots
A gauche, beaucoup dénoncent l'orientation social-libérale de François Hollande et Manuel Valls. Mais par delà leur désaffection à l'égard de François Hollande, les sympathisants PS y sont-ils vraiment opposés?

Certains commentateurs voient dans l'éviction d'Arnaud Montebourg et l'affirmation brutale, contre l'identité traditionnelle de la gauche, d'une ligne socio-libérale, ou plutôt blairiste (déclaration d'amour aux entreprises, remise en cause des 35 heures par un ex banquier devenu ministre de l'Economie, contrôle des chômeurs...) un véritable suicide électoral de la part de François Hollande et Manuel Valls. Pour preuve, avancent-ils, les sondages donnant Marine Le Pen largement gagnante en cas de second tour de l'élection présidentielle face à François Hollande. Elle obtiendrait 54% des voix, selon l'Ifop. La parution du livre de Valérie Trierweiler, décrivant un François Hollande méprisant les pauvres, les « sans dents », n'a évidemment pas arrangé les choses.

Un sentiment de trahison

Elle contribue à alimenter un véritable sentiment de trahison que ressentait déjà, le « peuple de gauche », voyant évidemment le décalage entre les promesses de la campagne présidentielle de 2012 et la réalité d'une politique en faveur des entreprises.
Selon un sondage récent de CSA, seuls 40% des électeurs ayant fait le choix de François Hollande au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 lui font encore confiance.

Des militants déboussolés

François Hollande serait-il donc totalement suicidaire ?
C'est ce qui se dit beaucoup à gauche, au sein du PS. Les militants sont les plus déboussolés, et on le serait à moins. Comment ne peuvent-ils pas voir dans la ligne actuelle, que ne peuvent renier les élus UMP, une trahison des engagements de campagne de François Hollande, sans même parler des idéaux socialistes ? Hollande et Valls auraient donc totalement tort, sur toute la ligne...
Ce n'est pourtant pas ce que pensent certains politologues. Gaël Sliman, qui préside Odoxa, un nouvel institut de sondage, l'affirme sans ambages : « Hollande a raison ». Il a raison « d'un point de vue électoral d'assumer enfin une politique qu'il mène en fait depuis la fin 2012».

Le virage de la politique de l'offre, pris en novembre 2012

De fait, le vrai tournant vers la politique de l'offre ne date pas de janvier 2014 et de l'annonce du pacte de responsabilité. Le virage a été pris en novembre 2012, avec l'annonce du Crédit d'impôt compétitivité emploi, une forte baisse de charges au profit des employeurs sans contrepartie aucune - du jamais vu sous un gouvernement de gauche- et financé par une hausse de la TVA, que François Hollande n'avait eu de cesse de dénoncer quelques mois auparavant, pendant la campagne électorale.

Les électeurs ne demandent pas une politique plus à gauche

« La politique de Hollande était d'orientation social démocrate, schroderienne, blairiste, employons le terme que l'on veut, depuis presque le début, depuis le CICE, bien avant l'accumulation actuelle de signes dans cette direction » souligne Gaël Sliman. « Désormais, ce virage est assumé ».
Avec, pour conséquence, la désaffection des électeurs de gauche ?
« En réalité, les électeurs avaient intégré de longue ce tournant, et l'orientation blairiste n'est pas le principal reproche qu'ils font au gouvernement » poursuit ce politologue.       «Le principal reproche fait à Hollande et Valls, c'est l'absence de résultats, ce qu'attendent les électeurs, ce sont des résultats. On peut résumer ainsi leur attitude : ok ce n'est pas la politique qui correspond à ce que j'attendais, mais si ça peut marcher, je prends ». De fait, seuls 50% des sympathisants socialistes reprochent à Manuel Valls et François Hollande une politique insuffisamment à gauche. Et les électeurs -toutes tendances confondues- approuvent à hauteur de 53% la nomination de l'ex banquier Emmanuel Macron à Bercy (sondage LH2 pour le Nouvel observateur) et se déclarent  massivement favorables à l'idée de contrôles renforcés sur les chômeurs, tout en étant d'accord (pour 71%) avec une politique d'assouplissement des 35 heures.

Du reste, les « frondeurs », qui reprochent certes à la politique menée de ne pas être suffisamment à gauche reprennent souvent, aussi, le reproche d'inefficacité.
Bref, Hollande aurait raison d'assumer enfin sa politique. « Car si elle amène, in fine, des résultats, en termes de croissance, d'emploi, il pourra s'en attribuer une part » souligne Gaël Sliman. « Alors que s'il était resté dans le flou, il ne pourrait pas engranger les bénéfices de ces résultats ».
Reste à savoir si ces résultats seront un jour au rendez-vous...