Ce Japon qui n’en finit pas de nous surprendre

Par Michel Santi  |   |  555  mots
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)
OPINION. En intégrant femmes, vieux et étrangers à son marché du travail, le Japon a parfaitement géré une des composantes essentielles de la croissance économique, à savoir la démographie. Par Michel Santi, économiste(*).

Le Japon a su faire face à son destin, et même à le forcer. Il a parfaitement géré une des composantes essentielles de la croissance économique, à savoir la démographie. De fait, la masse salariale y a augmenté ces derniers dix ans et ce bien plus qu'au sein de toute autre économie développée.

Long chemin parcouru


Ce pays revient pourtant de loin, du haut de ses 70.000 citoyens aujourd'hui âgés de plus d'un siècle. Les statistiques sont, du reste, éloquentes comme par exemple celle des retraites et dépenses sociales assurées aux plus vieux qui représentaient moins du quart des recettes fiscales nippones en 1975, alors qu'elles atteignent 55% aujourd'hui ! En d'autres termes, la démographie pèse de manière dramatique sur le budget de l'État au Japon, en réalité non pas tant du fait du vieillissement des citoyens que du taux de natalité qui sombre pour atteindre moins de 900.000 naissances par an, au plus bas depuis les années 1870 lorsque la population du pays était nettement moins nombreuse.

Pourtant, les autorités de ce pays ont pu juguler ce mal endémique car, s'il est vrai que la population en âge de travailler y a décliné de l'ordre de 4.7 millions en une dizaine d'années, la masse salariale - quant à elle - y a augmenté quasiment du même ordre.

Conjurer le sort

Le Japon - mené par l'énergique Shinzo Abe - a en effet su conjurer le sort par la grâce d'une authentique révolution culturelle et des mœurs ayant régénéré le marché du travail par l'apport des femmes, des vieux et des étrangers. Extension dès 2004 de l'âge du départ à la retraite de 60 à 65 ans, obligation faite aux entreprises de prolonger les contrats de celles et ceux de leurs employés sur le départ et d'embaucher des retraités, la faiblesse inédite du taux de chômage au Japon (2.5%) a ainsi contraint les employeurs à nettement plus de flexibilité.

Aujourd'hui, il est courant de rencontrer des travailleurs au Japon (toutes professions confondues) âgés de 70 ans et les entreprises n'hésitent plus à proposer aux femmes des contrats de 40 heures par mois, sachant que la participation à la masse salariale nippone des travailleuses entre 55 et 65 ans a bondi de 10 points en 10 ans. Enfin, l'afflux de main d'oeuvre étrangère a achevé de combler l'écart, phénomène sans précédent au Japon jusque-là connu pour sa politique très restrictive. Le code du travail - et l'accès à la naturalisation - furent en effet considérablement assouplis par le gouvernement Abe et permirent donc un apport substantiel de 1.3 millions de travailleurs étrangers supplémentaires en l'espace de moins de 10 ans.

Pour l'Europe, dont la population entame un dangereux déclin notamment dans des pays comme l'Allemagne, comme l'Italie et comme l'Espagne, les enseignements à tirer de cette réussite japonaise sont précieux car la démographie est une composante majeure dans la croissance - ou au contraire - dans la régression économique.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

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