Tesla, des voitures électriques qui roulent au... charbon

Par Bjorn Lomborg  |   |  794  mots
Bjorn Lomborg
La nouvelle Tesla, une "voiture qui peut changer le monde"? Cette publicité ne correspond à rien. Il est insensé de gaspiller des millions de dollars en subventions pour des jouets de riches réduisant marginalement les émissions de carbone. Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School

Suite à la présentation de la nouvelle Tesla 3 par Elon Musk, certains médias se sont empressés d'annoncer en écho l'avènement d'une "voiture qui peut changer le monde" et dans la foulée "dominer" le marché. En quelques jours seulement, cette voiture a enregistrée 276.000 précommandes incluant un acompte de 1.000 dollars.

Sauf que le Modèle 3 n'existe pas encore. A ce jour, il n'y a aucune version finale de production, et encore moins de production. Elon Musk se dit être "relativement confiant" quant à la réalisation des premières livraisons en fin 2017. Néanmoins, respecter les échéances n'est pas le point fort de Tesla. En attendant, la voiture actuellement la mieux vendue de la marque se voit confrontée à des problèmes de qualité.

Un avenir durable pour la planète?

Tout ceci peut être assimilé à un débat iPhone vs Galaxy - à une exception près que ces voitures sont plébiscitées et considérées comme contribuant à l'écologie et bénéficient de fait de subventions atteignant des milliards de dollars.

Avant de dévoiler la voiture, Elon Musk a déclaré dans un discours moralisateur que Tesla a été conçue pour donner à la planète un avenir durable, soulignant notamment la hausse des niveaux de CO₂, et déplorant 53.000 décès liés à la pollution de l'air issue du transport. Tesla, selon son discours, est un sauveur de vies. Comme tous les autres véhicules électriques, elle produit "zéro émission" de pollution atmosphérique et de CO₂.

Responsable d'une pollution atmosphérique lourde

Mais, en réalité, cela vaut uniquement pour la voiture en elle-même, puisque l'électricité qui l'alimentera est souvent produite à partir du charbon, ce qui veut dire que cette voiture supposément propre sera responsable d'une pollution atmosphérique lourde. En tant qu'investisseur vert en capital risque, Vinod Khosla se plaît à souligner que "les voitures électriques sont des voitures qui roulent au charbon".

Une augmentation de 10% en 2020 du parc automobile diesel et à essence des États-Unis induirait 870 décès de plus liés à la pollution de l'air. Projetée sur les voitures électriques, une telle augmentation causerait 1.617 décès supplémentaires par an, principalement liés à la combustion du charbon.

Un impact délétère de l'électrique en Chine

En Chine où les centrales électriques au charbon sont extrêmement polluantes, l'impact des voitures électriques sur la qualité de l'air local est encore plus délétère : à Shanghai, la pollution de l'air générée par les voitures électriques serait 3 trois fois plus mortelle que celle générée par les voitures à essence ou diesel.

Par ailleurs, si les voitures électriques émettent moins de CO₂, cette économie est bien plus limitée que la plupart des gens s'imaginent. Après avoir effectué 150.000 km au cours de sa durée de vie, le modèle haut-de-gamme Tesla S aura émis environ 13 tonnes de CO₂. Mais, à elle seule, la production de ses batteries en émettra 14 tonnes, en plus des 7 tonnes supplémentaires générées par sa production et son démantèlement en fin de vie.

A peine moins polluant que le diesel...

Comparativement le modèle diesel, ayant une performance similaire, Audi A7 Sportback, qui consomme environ 7 litres aux 100 km, soit 10.500 litres au cours de sa durée de vie, produira une émission de 28 tonnes de CO₂. Cette Audi émettra également un peu plus de 7 tonnes en production et en fin de vie. Au total, la Tesla émettra 34 tonnes contre 35 pour l'Audi. De fait, sur une décennie, la Tesla n'épargnera la planète que d'1,2 tonnes de CO₂.

Pour mettre cela en contexte : appliquée sur le système d'échanges de quotas d'émission de l'Union européenne, une réduction de 1,2 tonnes de CO₂ coûtera environ 7 dollars ; mais par contre, nous payons jusqu'à 12.000 dollars en subventions pour chacune de ces voitures. La totalité des voitures électriques vendues à ce jour dans le monde a englouti 13 milliards de dollars en subventions, pour n'épargner finalement que 3,3 millions de tonnes de CO₂. Cela réduira la hausse globale des températures de 0.00001°C en 2100 - ce qui équivaut à faire reculer le réchauffement climatique de 30 minutes à la fin de ce siècle.

Les voitures électriques seront une bonne idée lorsqu'elles pourront être concurrentielles - probablement en 2032. Mais il est insensé de gaspiller des millions de dollars sur le dos des contribuables pour des jouets de riches qui tuent plus de gens à travers les émissions qu'ils induisent, tout en réduisant à peine les émissions de carbone. La Tesla 3 est effectivement une merveille à "zéro émission"- mais c'est uniquement parce qu'elle n'existe pas encore.

Traduit par Ninah Rahobisoa