États-Unis : à quoi sert un Président ?

Par Michel Santi (*)  |   |  653  mots
(Crédits : YURI GRIPAS)
OPINION. Comment un parti responsable et ayant contribué de manière substantielle à la construction des Etats-Unis modernes peut-il en arriver aujourd'hui à saper les fondements d'une Démocratie. Par Michel Santi, économiste qui publie également un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé » (*).

Si elle a bien-sûr été déboutée, l'action en justice entreprise par dix-sept Etats américains ayant rejoint le Texas dans le but d'invalider auprès de la Cour Suprême l'élection de Joseph Biden n'en est pas moins dangereuse et malsaine dans les perspectives qu'elle insuffle à la démocratie de ce pays. C'est en outre près de 130 parlementaires, dont plus de la moitié des membres Républicains de la Chambre des Représentants, qui se sont précipités pour soutenir cette appel à la Cour Suprême. Parmi ces signataires ayant rejoint le Texas dans la contestation face à la plus haute juridiction de la nation du résultat de l'élection Présidentielle figuraient certes des
personnages très clivants, mais également des politiciens dits «modérés». Enfin, preuve par l'absurde de l'emprise de la radicalité sur le Parti Républicain, dix-sept de ces signataires viennent tout juste d'être élus dans des Etats dont ils contestent les résultats. Voilà donc des élus remettant directement en cause la légitimité de leur propre victoire et appelant à invalider leur propre investiture !

Lire aussi : Armes nucléaires : ce qui attend Joe Biden et ce qu'on peut attendre de lui

Comment un parti responsable et ayant contribué de manière substantielle à la construction des Etats-Unis modernes peut-il en arriver aujourd'hui à saper les fondements d'une Démocratie qui - comme tout le monde le sait - est édifiée sur la confiance des citoyens dans le résultat de ses élections ? Ce parti - qui ne recule pourtant plus devant une lutte à la vie à la mort révélant ainsi sa haine du camp adverse - est en passe d'établir un précédent très dangereux pour la vie démocratique américaine. Elle semble lointaine en effet la période des «concessions» élégantes, cet acte en vertu duquel un candidat malheureux reconnaissait publiquement sa défaite, pas inscrit dans la loi mais constituant une réaffirmation et un rappel de la sacralité du processus démocratique censée dépasser voire transcender les querelles de personnes. En reniant ainsi la légitimité de l'élection de Biden, les républicains contribuent activement à rendre l'Etat fédéral dans toutes ses composantes dysfonctionnel. En toute logique, Donald Trump sera le quatrième Président US à refuser d'assister à la prestation de serment de son successeur, après John Adams en 1801, John Quincy Adams en 1829 et Andrew Johnson en 1869.

Dans un tel contexte délétère, le gouvernement de confort et de facilité en train de se constituer autour et par Biden semble en mal d'inspiration. Après avoir mené une campagne à bas régime, d'abord préoccupé à prendre le moins de risque possible, il lui faut à présent générer non seulement l'adhésion mais surtout l'enthousiasme. S'il est incontestablement positif qu'il opte pour des personnalités issues de la diversité, ses choix pour les postes stratégiques se sont surtout portés sur des personnages, à la
compétence certes reconnue, mais ayant surtout un historique relationnel et
une certaine familiarité avec leur futur Président. Ce «cabinet» appelé dès le 20 janvier prochain à diriger les Etats-Unis semble singulièrement manquer de consistance intellectuelle en une époque tourmentée pour ce pays où il a un besoin vital d'initiatives fortes. Sinon, comme l'avait déclaré de manière flamboyante Lyndon Johnson à ses conseillers alors qu'il venait d'accéder à la Présidence en 1963, «à quoi diable sert la Présidence » si elle ne prend pas les grands sujets à bras le corps ?

___

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin.
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Lire aussi : Les inégalités sont une fatalité... mais la vérité est un droit