Impôt : un allègement symbolique, et après ?

Par Ivan Best  |   |  993  mots
François Hollande assure que la transition énergétique ne passera pas par une hausse des taxes. Mais le parlement a voté cet été une trajectoire pluri-annuelle de forte hausse de la taxe carbone
François Hollande promet désormais une baisse d'impôt en 2016, "en faveur des classes moyennes". L'allègement -de l'impôt sur le revenu, probablement- sera surtout symbolique. Il serait financé par une baisse des cotisations familiales moindre que prévu. Pas de quoi révolutionner la fiscalité.

Quelle crédibilité ? Les Français vont-ils croire François Hollande annonçant de nouvelles baisses d'impôts pour 2016 ? C'est peu dire que l'exécutif reste à la peine sur le sujet : sa communication semble susciter, au mieux, le scepticisme. A raison ?
Dès son arrivée au pouvoir, la majorité actuelle a peiné à communiquer sur sa politique fiscale. Pourtant, tout avait été préparé, et même pour une grande part annoncé par François Hollande lui-même : dès la fin janvier 2012, plus de trois mois avant son élection, le candidat socialiste avait annoncé la couleur, détaillant 30 milliards d'euros de hausses d'impôts. Ceux qui ont été surpris auraient dû accorder plus de crédit à cette « promesse » de campagne.

Ayrault se fait traiter de menteur

Mais quand Jean-Marc Ayrault affirme devant les téléspectateurs, à la rentrée 2012, que 90% des Français sont épargnés par la hausse des impôts, il se fait immédiatement traiter de menteur par la presse, quasi unanime. S'agissant des impôts directs, cette affirmation était pourtant exacte, si l'on voulait bien oublier la fin de l'exonération des heures supplémentaires -qui n'avait rien d'un sujet mineur, il faut bien l'admettre.

Le gouvernement a eu beau évoquer le ras le bol fiscal et affirmer vouloir réorienter sa politique dès la rentrée 2013, rien n'y fait : personne n'y croit ! Il faut dire que ce tournant concernait les décisions de politique fiscale à prendre, et non celles déjà votées : la hausse de la TVA, approuvée par le parlement fin 2013, est entrée en vigueur début 2014, alors même que François Hollande avait engagé la « pause fiscale ». Sans parler de la réforme des retraites, qui prévoyait une hausse progressive des cotisations sociales, ou de la montée en puissance de la taxation écologique, qui continue : le chef de l'État a beau affirmer le contraire, qu'il n'est pas question d'augmenter les impôts pour réorienter les usages polluants, c'est bien ce qu'il a fait voter, avec la contribution climat énergie.

 Une taxe carbone en forte augmentation?

Et le gouvernement a laissé passer cet été -avec l'approbation publique de Ségolène Royal- un amendement des Verts fixant une trajectoire pour cette « taxe carbone » : elle serait plus que doublée d'ici 2020, passant de 22 euros la tonne en 2016 à 56 euros. Qui dit vrai? Ségolène Royal devant la représentation nationale, pour satisfaire les Verts et le PS qui défendent la hausse de la taxe carbone, ou François Hollande qui assure ce jeudi, devant la presse, qu'il n'est pas question que la transition écologique passe par des taxes?

Bref, les Français ont quelques raisons de douter. Leur scepticisme est d'autant plus fondé qu'ils perçoivent la faiblesse des marges de manœuvre du chef de l'Etat. A-t-il vraiment les moyens d'inverser la tendance, de baisser franchement les impôts frappant les ménages ? Tout en continuant à alléger les charges des entreprises ? Poser la question, c'est bien sûr y répondre. D'autant que la pression allemande est vive en faveur d'une baisse du déficit public français. Le « patron » des députés CDU au Bundestag a insisté récemment sur le respect par la France du plafond fixé à Maastricht (3% de déficit).

Une équation impossible à résoudre

Baisser les impôts des particuliers tout en continuant à diminuer les charges sociales des employeurs et l'impôt sur les sociétés, sans oublier la réduction du déficit ? Pas besoin de sortir de Harvard pour comprendre que l'équation est impossible à résoudre... sauf à se cantonner à la symbolique.

En clair, la baisse d'impôt promise par le chef de l'Etat n'ira pas bien loin. Il pourrait retrouver quelques marges de manœuvre en jouant sur les curseurs des baisses de charges promises aux employeurs : le gouvernement avait annoncé une baisse des cotisations familiales -payées par les employeurs- à compter de 2016, s'agissant des salaires jusqu'à 3,5 fois le smic. Elle pourrait être finalement réservée aux rémunérations ne dépassant pas 2,5 fois le salaire minimum (à l'instar du Crédit d'impôt compétitivité emploi, CICE). De quoi réaliser quelque économies par rapport au plan de marche prévu, et simplifier l'étape suivante, la transformation du CICE en baisse de charges directes.

Pas de révolution fiscale, du symbolique

Mais pas de quoi, pour autant, révolutionner la fiscalité. François Hollande promet des baisses d'impôts « en faveur des classes moyennes » comme il l'a déclaré à la presse régionale. Mais cette catégorie est plutôt floue. Pense-t-il aux classes moyennes supérieures, aux familles notamment, qui ont subi à la fois la hausse des d'impôts -le mécanisme du quotient familial a été sérieusement raboté- et réduction des prestations familiales ? Mais on n'imagine pas l'exécutif annuler purement et simplement les mesures qu'il a prises avec constance depuis trois ans.
Il y a fort à parier que, compte tenu des marges existantes, la mesure sera très symbolique. Pour qu'elle se voie, elle concernera certainement l'impôt sur le revenu. Une grande tradition française, désormais, à l'approche des échéances électorales. Toutes tendances confondues.

Dans la lignée des candidats précédents à la présidentielle

Jacques Chirac premier ministre avait baissé l'impôt sur le revenu en 1987, un avant le scrutin présidentiel, en 1988. Edouard Balladur, lui aussi premier ministre, avait laissé un cadeau aux familles en dopant fortement la réduction d'impôt pour emploi à domicile, à l'approche de la présidentielle de 1995. Lionel Jospin, convaincu par son ministre des Finances Laurent Fabius que « la gauche pouvait être battue sur le thème des impôts et des charges » avait « cassé » un tabou à gauche, en diminuant le taux maximum d'imposition en 2001. Dominique de Villepin baissa lui aussi l'impôt pour 2007... une véritable lignée dans laquelle François Hollande entend désormais s'inscrire.