L’hydrogène renouvelable : une opportunité stratégique pour verdir la relance mondiale

Par Kadri Simson et Francesco La Camera (*)  |   |  957  mots
(Crédits : Reuters)
OPINIONS. L'hydrogène peut servir de carburant pour les bus, les trains et les camions et peut-être, dans le futur, pour les navires et les avions. Quel cadre faut-il mettre en place pour maximiser ce potentiel ? (*) Par Kadri Simson, Commissaire européenne chargée de l’énergie et Francesco La Camera, directeur général de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA).

La Commission européenne vient d'adopter sa première stratégie pour l'hydrogène. Elle expose comment l'hydrogène propre peut être une solution viable pour une économie neutre en carbone et comment mettre en place une chaîne de valeur de l'hydrogène en Europe au cours des cinq prochaines années.

L'investissement de l'Europe dans l'hydrogène renouvelable s'inscrit dans le cadre du pacte vert pour l'Europe et de son engagement à atteindre zéro émissions nettes d'ici à 2050. L'UE est déjà en train d'accélérer le développement de sa capacité de production d'électricité renouvelable, notamment à partir de l'énergie éolienne en mer. Elle a proposé une législation en matière de climat qui apporte une sécurité stratégique aux gouvernements et au secteur privé. Elle a également placé les investissements verts, notamment dans les électrolyseurs pour la production d'hydrogène, les piles à combustible et les technologies de stockage, au centre de son plan de relance de 750 milliards d'euros intitulé « Next Generation EU ».

Notre stratégie pour l'hydrogène constitue une étape importante pour la politique énergétique européenne, mais elle revêt également une portée plus large : l'hydrogène représente une opportunité stratégique et doit constituer une priorité commune au niveau mondial pour que la reprise ne se fasse pas au détriment du climat.

Pour atteindre notre objectif de zéro émission nette en 2050, nous avons besoin d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables, mais aussi de combustibles décarbonés dans les secteurs où l'électrification n'est pas possible, comme l'industrie lourde ou certains secteurs du transport. Dans un monde où la part des énergies renouvelables va croissant, les questions de stockage et d'équilibrage deviennent de plus en plus cruciales. L'hydrogène peut apporter une réponse à un grand nombre de ces questions.

L'hydrogène peut ainsi être utilisé comme matière première dans l'industrie de l'acier et dans les raffineries, comme dans la production d'ammoniac et dans l'industrie chimique. Il peut servir de carburant pour les bus, les trains et les camions et peut-être, dans le futur, pour les navires et les avions. Il permet d'équilibrer un système énergétique fondé sur les renouvelables en convertissant l'électricité en hydrogène, lorsque le vent souffle ou que le soleil brille, et en stockant des volumes importants de cette énergie pour une utilisation ultérieure.

Cependant, pour pouvoir exploiter le potentiel de l'hydrogène, il faut que celui-ci soit propre, rentable, abondant et transportable.

Quel cadre règlementaire ?

Nous avons besoin de politiques bien conçues pour rendre l'hydrogène renouvelable moins cher, afin qu'il puisse remplacer l'hydrogène actuellement produit à partir de combustibles fossiles. Il est possible d'y parvenir. Les énergies renouvelables sont de plus en plus compétitives, et les prix de l'électricité, notamment pour l'énergie solaire et l'énergie éolienne, devraient encore baisser. Selon les calculs de l'IRENA, les coûts des électrolyseurs sont déjà cinq fois moins élevés qu'il y a cinq ans et devraient continuer à diminuer au cours de la prochaine décennie. Des subventions bien ciblées, des politiques de recherche et d'innovation, une réduction des risques d'investissement peuvent soutenir cette tendance.

Au fur et à mesure que l'hydrogène sera utilisé dans de nouvelles applications, les capacités de production devront augmenter. Selon les perspectives mondiales des énergies renouvelables de l'IRENA, au moins 1.700 gigawatts d'électrolyseurs seront nécessaires dans le monde d'ici le milieu de ce siècle pour assurer la transition énergétique , alors que la capacité actuellement en exploitation n'est que de 300 mégawatts. En Europe, l'hydrogène représente actuellement moins de 2% du bouquet énergétique — il pourrait représenter de 13 à 14% d'ici à 2050.

Il faudra également agrandir les capacités de transport et de stockage pour pouvoir utiliser progressivement l'hydrogène dans les zones où il n'est pas produit. Cela signifie qu'il faut aller au-delà des connexions locales, mettre à niveau les conduites de gaz naturel existantes, les stations de ravitaillement, les installations de stockage et le transport.

Un cadre réglementaire favorable, y compris en matière de certification, devrait permettre de faciliter les échanges transfrontaliers. Nous devons œuvrer à l'harmonisation, au niveau mondial, des codes et des normes pour faciliter le commerce de l'hydrogène renouvelable et de ses dérivés.

Les plans de relance pour l'après Covid-19 offrent aujourd'hui l'occasion de relever ces défis, d'investir dans l'hydrogène renouvelable, notamment en ce qui concerne les infrastructures d'approvisionnement et le déploiement. En Europe, les investissements dans les électrolyseurs pourraient osciller entre 13 et 15 milliards d'euros d'ici à 2030 et entre 120 et 130 milliards d'euros pour le transport, la distribution et le stockage de l'hydrogène, ainsi que les stations de ravitaillement.

La collaboration au niveau mondial peut constituer un facteur multiplicateur des stratégies nationales. L'IRENA joue un rôle de premier plan lorsqu'il s'agit de soutenir les pays et de faciliter le discours mondial sur le rôle de l'hydrogène renouvelable dans les stratégies nationales de transition énergétique. À la suite de la dernière table ronde ministérielle sur l'hydrogène vert qui s'est tenue en janvier 2020, l'IRENA a mis en place un cadre de collaboration sur l'hydrogène renouvelable, afin d'encourager l'échange de connaissances et la coopération internationale. L'UE participera à cet effort.

L'hydrogène n'apporte pas une réponse à toutes les questions sur le système d'énergie propre de l'avenir, mais il peut répondre à certains des défis les plus ardus. Il peut stimuler l'innovation, l'emploi et la croissance, en vue de la relance. Il mérite que le monde fasse un effort de coopération afin de tirer parti de tout son potentiel.