L'Iran se retrouve tel un chat piégé

Par Nader Nouri  |   |  773  mots
Le guide suprême du régime, l'Ayatollah Ali Khamenei. (Crédits : Reuters)
ANALYSE. Le régime au pouvoir en Iran se trouve enfermé dans un piège, menacé par les sanctions après la dénonciation de l'accord sur le nucléaire par les Etats-Unis, par la contestation croissante de l'opposition iranienne ainsi que par la révolte populaire liée aux difficultés économiques. Par Nader Nouri, ancien diplomate iranien basé à Paris, secrétaire général de la Fondation d’Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO) (*).

Un analyste proche du régime au pouvoir en Iran, Hamid Assefi, écrit le 9 juillet sous le titre : « Ce  JCPOA (l'accord nucléaire iranien) est mort ! » : « Le président français cherche, à mi-chemin, un moyen de faire revivre le JCPOA! Mais il est mort ce JCPOA sans que la France ne puisse le faire ramener à la vie ! »

Jusqu'en 2015, le régime iranien se trouvait soumis à différentes sanctions internationales. Avec le JCPOA, il a essayé de se créer une protection lui permettant de vendre son pétrole pour que, grâce aux quelque 150 milliards de dollars ainsi débloqués, il puisse en même temps poursuivre sa politique d'ingérence régionale et se créer un « axe de résistance ». De plus, selon les allégations officielles iraniennes, cela lui a permis d'améliorer ses systèmes de missiles balistiques ayant pour objectif d'atteindre jusqu'à l'Europe. Tout cela s'est matérialisé au détriment du peuple iranien dont la pauvreté atteint des records puisqu'elle touche les deux tiers de la population.

La sortie du JCPOA, voulue par les Etats-Unis, il y a un an, qui, dans le souci des intérêts de ses alliés menacés dans la région et en Irak, s'est concrétisée par de nouvelles sanctions concernant la vente du pétrole a fait partir en fumée la protection obtenue en 2015. Dans ce sens, le JCPOA est mort pour le régime iranien, car la politique dite de complaisance ne préside plus aux relations entre ce dernier et l'Occident.

Des menaces multiples de Téhéran

Le régime au pouvoir en Iran, selon son guide suprême l'Ayatollah Ali Khamenei, s'est trouvé enfermé, tel un chat pris dans un piège triangulaire, dont l'un côté serait, selon celui-ci, le tournant de la politique internationale virant de la complaisance à la dureté et dont le deuxième côté serait la constitution d'une résistance organisée par les Moudjahidines du Peuple - dans son jargon les Monaféquines. Reste le troisième côté qui n'est rien d'autre qu'un mouvement de révolte populaire traduisant un mécontentement général. Tel est le piège dans lequel se trouve, le chat du régime iranien.

En rêvant d'insuffler une nouvelle vie à ce défunt JCPOA, le régime a traversé les lignes rouges de la limite d'enrichissement d'uranium et son pourcentage autorisé de 3,67%, dans le seul but d'obliger l'Europe - la France en particulier - à demander aux Américains d'ouvrir une brèche dans les sanctions pétrolières, politique que les adeptes en France de la complaisance pensent pouvoir suffire pour ramener le régime à la table des négociations.

Suite au retrait des Etats-Unis du JCPOA en mai 2018, la France a pris l'initiative de prévenir une crise ouverte sous haute tension dans la région lorsque Jean-Yves Le Drian s'est rendu à Téhéran les 4 et 5 mars 2018 pour persuader les autorités iraniennes de négocier à propos de leur programme balistique et de leurs ingérences dans la région, notamment en Syrie. Cela aurait pu servir de levier dans des négociations et faire revenir Trump sur sa décision...

Mais le régime iranien ne peut revenir sur ces deux lignes rouges, pour lui existentielles, que dessinent son ingérence régionale et ses programmes d'armes balistiques et nucléaires. Il est donc très naïf de croire qu'en relâchant les sanctions, le régime du guide suprême s'en irait rejoindre la communauté des nations civilisées.

Abattre le drone américain, de même qu'attaquer les pétroliers à Fujaira et dans la mer d'Oman ne relèvent pas d'une véritable démonstration de force mais bien plutôt des agitations d'un chat piégé cherchant désespérément à se dégager.

L'armée des affamés et des chômeurs

Ce chat qui ne s'effraye ni des sanctions ni du changement de la politique de complaisance redoute bien plutôt l'armée des affamés et des chômeurs. Une armée à la dimension des deux tiers de la population qui résulte des ingérences en Syrie et dans la région, au prix d'une corruption astronomique, à des prix faramineux. Ce mécontentement général agit comme une bombe à retardement. L'étendue des unités de résistance qui, selon le ministre iranien des Renseignements se multiplient partout dans le pays, semble devoir être le détonateur de cette bombe à retardement qui menace le chat noir du régime.

(*) Fondation d'Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO)