La gangrène des sociétés

Par Michel Santi (*)  |   |  711  mots
(Crédits : DR)
CHRONIQUE. Le sort du XXIème siècle repose sur la fin des monopoles détenus par les géants comme Google, Facebook ou autre Amazon. Un démantèlement où le nouveau président des États-Unis Joe Biden a un rôle primordial à jouer. Par Michel Santi, économiste qui publie également un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé » (*).

La quasi-totalité des problèmes auxquels nos économies sont confrontées provient de la concentration des pouvoirs. Notre système des libertés a été progressivement foulé aux pieds par les monopoles en tous genres et à divers degrés qui ont renchéri les coûts de la santé, des médicaments, de l'alimentation, des produits agricoles, et de toute une gamme de denrées et matières.

C'est des dizaines de millions d'indépendants qui ont été poussés à la faillite à travers le monde, c'est des centaines de villages et de petites villes à travers le globe qui ont été asséchés, c'est les réseaux de communication et les médias censés être le meilleur rempart pour protéger nos démocraties qui ont été noyautés, c'est même la sécurité nationale de pays comme les États-Unis qui s'en est retrouvé compromise.

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Rien ne pourra être entrepris contre cette confiscation de notre souveraineté économique et même publique sans le retour à une certaine forme d'idéologie, laquelle a été censurée par le néolibéralisme qui - tout au long de ces quarante dernières années - nous a persuadé que seul le mercantilisme et que seul le profit comptaient.

Comme, au fil des années, ces monopoles nous ont menotté tant économiquement que politiquement, leur démantèlement libérera enfin les énergies et les motivations nécessaires pour réaliser des mesures structurelles en profondeur à même de créer toutes sortes d'opportunités depuis la création d'emplois mieux payés, à un système de santé équilibré, à la stimulation de l'investissement sur le long terme, à l'encouragement à l'innovation, à une lutte enfin sérieuse contre la crise climatique.

Car il faudrait que l'on prenne conscience que c'est aujourd'hui que se joue le sort du XXIème siècle, que c'est le moment où jamais d'en (re)définir les fondations sur des bases plus justes, plus sûres, plus pérennes, donc forcément plus prospères. C'est sans tarder que cette entreprise de salubrité publique se doit d'être initiée et ce d'autant que l'écrasante majorité des citoyens d'un monde plus si libre que ça s'accorde sur le fait que des Google, que des Facebook et que des Amazon sont bien trop puissants et doivent impérativement être bridés voire brisés.

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Un salut américain ?

Et si cette remise à l'heure des pendules nous venait des États-Unis et de leur Président à venir qui se décideraient à exploiter avec détermination l'arsenal législatif substantiel à leur disposition qui permettra de déconstruire, de manière décisive et sans appel possible, cette concentration extrême de pouvoirs privés qui a pris en otage les Américains mais également les citoyens du monde ? La mise sous tutelle de ces prédateurs économiques et financiers libèrera une masse inouïe de capitaux actuellement concentrés en très peu de mains et permettra l'éclosion de PME aujourd'hui étouffées par ces mastodontes.

Le futur Président Biden et ses équipes seraient donc bien inspirés de faire de cette guerre contre les monopoles une priorité absolue si leur volonté est vraiment de lutter contre les inégalités et de restaurer l'unité nationale derrière un but qui fait largement consensus à travers tout le spectre politique. Il n'est plus supportable que l'écrasante majorité de la population américaine et, par-delà occidentale, soit isolée, humiliée et appauvrie au profit d'une infinitésimale minorité qui impose ses diktats même aux États.

Que Biden tente de se hisser au niveau de Wilson en 1913, de Roosevelt dans les années 1930 et d'Eisenhower dans les années 1950 ayant tous les trois définis leur Présidence respective par une lutte contre ces pouvoirs qui gangrènent les sociétés.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin.
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