La réduction des injustices climatiques : enjeu clé de la COP21 à Paris

Par Alain Ayong Le Kama  |   |  747  mots
"Une des clés de la « réussite » de la COP21 est le « traitement » qui sera réservé aux pays dits « vulnérables », et aux pays africains en particulier ; ... si les mesures proposées ne vont pas dans le sens d'une réduction des injustices qu'ils subissent en matière de capacité d'adaptation au changement climatique, aucun accord ne pourra être obtenu."
Il est impératif de prendre en compte le principe de "responsabilité commune, mais différenciée" du Nord et du Sud dans le réchauffement climatique. Concrètement, ce sera plus difficile à mettre en œuvre. par Alain Ayong Le Kama, professeur d'économie à l'Université de Paris Ouest, Nanterre-La Défense. Texte publié en partenariat avec les JECO

Au-delà de la nécessaire efficacité des mesures qui seront retenues lors de la COP21 pour véritablement lutter contre le changement climatique, chère à mes collègues économistes, il faudrait d'abord garantir un minimum d'acceptabilité de celles-ci par les différentes parties prenantes.

De mon point de vue, une des clés de cette acceptabilité, et donc de la « réussite » de la COP21, est le « traitement » qui sera réservé aux pays dits « vulnérables », et aux pays africains en particulier ; ... si les mesures proposées ne vont pas dans le sens d'une réduction des injustices qu'ils subissent en matière de capacité d'adaptation au changement climatique, aucun accord ne pourra être obtenu.

Une responsabilité commune mais différenciée

Il est en effet connu que l'Afrique, notamment, souffrira davantage des effets du changement climatique, quelques soient les efforts qu'elle entreprendra en matière d'adaptation, sachant que sa contribution aux émissions est inférieure à 4% du total mondial. Le principe de responsabilité commune, mais différenciée, a été retenu pour tenir compte de ce différentiel, de ces injustices, dans le degré d'adaptation, et donc de résilience, des pays face au risque de changement climatique.

Mais sera-t-il suffisant pour permettre d'aboutir à un consensus à Paris ? Et, plus généralement dans une perspective de long terme, permettra-t-il de réduire les injustices climatiques ? Voilà ce qui me semble être les deux questions centrales à se poser avant la COP21.

 La responsabilité "historique" des pays du Nord

Il est important de souligner que ces inégalités/injustices climatiques sont certes engendrées par l'évolution (actuelle) du climat, mais que celle-ci résulte principalement des choix d'orientations politiques passés des pays riches en matière de lutte contre le changement climatique.

Les pays vulnérables, ainsi que les ONG qui les soutiennent, revendiquent une certaine « responsabilité historique » du Nord dans l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle, au milieu du 19e siècle. Ces pays réclament donc un certain droit à réparation et compensation ; dont on ne pourra pas faire fi lors des négociations à venir... Les mesures qui seront proposées devront à mon sens pleinement intégrer cette dimension, indispensable pour leur acceptabilité, et donc pour l'efficacité à terme de la lutte contre le changement.

Des principes difficiles à mettre en œuvre dans la pratique

Le principe de responsabilité commune, mais différenciée, qui s'inscrit dans l'esprit des « grands principes de justice distributive » provenant de la philosophie morale et politique, même s'il me semble de "bon sens", sera très difficile à mettre en œuvre dans la pratique. En effet, d'un point de vue théorique et conceptuel l'éthique de la responsabilité qui découle de ces grands principes de philosophie morale est flatteuse, et parfaitement compréhensible, mais quand il s'agit de la mettre en œuvre concrètement au quotidien, on fait face à de nombreux obstacles. Toute la question est donc de savoir comment ce principe sera-t-il « mis en musique », comment prendra-t-il en compte les nécessaires compensations des injustices climatiques... Bref, comment sa mise œuvre sera-t-elle appréhendée par les pays du Sud ?

Pour finir, la COP21 représente une étape cruciale dans notre capacité collective à organiser la lutte contre le changement climatique. Et une des clés de sa réussite sera le dosage que nous arriverons à proposer entre l'efficacité des mesures et leur acceptabilité. Car, de mon point de vue, si l'on recherche une efficacité immédiate, en raison de l'urgence, et par la mise en œuvre de mécanismes et d'instruments très sophistiqués, mais susceptibles d'être rejetés par les pays du Sud, nous risquerons de pénaliser encore plus durement notre capacité à lutter efficacement à moyen et long termes.

Alain Ayong Le Kama
professeur d'économie à l'Université de Paris Ouest, Nanterre - La Défense
président de l'association française des économistes de l'environnement et des ressources naturelles (FAERE : https://faere.fr/fr/)
Membre du Conseil scientifique des JECO

 
Organisées par la Fondation pour l'Université de Lyon, les Journées de l'Economie (Jéco) proposent, à travers une cinquantaine de conférences, des clés pour appréhender les mécanismes économiques et ainsi mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Les 13, 14 et 15 octobre à Lyon, plus de 200 personnalités seront ainsi réunies pour échanger et partager leurs analyses autour du thème : « qu'attendons-nous... pour agir ? ».

Les journées de l'économie

Le blog des JECO