Le nucléaire français  : fantasmes et réalités

Par Donald Berquez  |   |  906  mots
(Crédits : CC / Pixabay)
Le nucléaire n'a pas bonne presse en France, mais la diabolisation de cette énergie manque d'arguments rationnels. Par Donald Berquez, Ingénieur en génie Atomique, membre du du bureau énergie du Collectif STA (Science Technologie Actions).

Le livre « Nucléaire : une catastrophe Française » (éd. Fayard) de Erwan Benezet, journaliste au Parisien-Aujourd'hui en France, vient d'être publié. Un pamphlet anti-nucléaire de plus, l'époque est à cela, destiné à la diabolisation de cette source d'énergie et à créer la peur chez nos compatriotes. Etre anti-nucléaire est tellement facile, pas besoin d'avoir à se justifier avec des arguments rationnels, pas besoin d'analyses ni de preuves scientifiques, les incantations, titres accrocheurs et omissions suffisent.

Sans lasser le lecteur, voici néanmoins quelques points qu'il faut savoir. La lutte contre le réchauffement climatique, qui devrait constituer la seule réelle ambition de la transition énergétique, est régulièrement occultée par le seul objectif de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité. Alors que c'est la France qui rejette le moins de CO2 par habitant parmi les pays du G7, le fait que l'électricité nucléaire soit décarbonée, et donc contribue significativement à la lutte contre le réchauffement climatique, est ignoré par la majorité des Français.

Le retard de l'EPR

Certes, les EPR de Flamanville et finlandais ont connu des difficultés de délai de réalisation et de dépassement des coûts, mais comme toutes les réalisations industrielles tête de série, ainsi l'Airbus A 380, le tunnel sous la manche et d'autres encore. Une partie de ces difficultés venait du fait que depuis 20 ans, aucun réacteur nucléaire n'a été démarré en France et donc que le savoir-faire n'a pu se transmettre convenablement. Personne n'a parlé, en France, du fait que les EPR chinois, construits par la Chine et la France, sont, eux, à l'heure et l'un d'entre eux fonctionne déjà à sa pleine puissance, démonstration de la faisabilité du réacteur...

Le stockage profond des déchets est la meilleure solution

La question du stockage définitif des déchets a une solution opérationnelle et elle est en cours d'examen par l'Autorité de sûreté : le stockage géologique profond dans une couche d'argile de 150 m d'épaisseur. Cette solution sera, de plus, réversible pendant 100 ans, permettant à nos descendants de l'améliorer s'ils le souhaitent. La voie retenue permet ainsi de ne pas laisser « la patate chaude » à d'autres et est donc parfaitement éthique.

Le mythe du nuage de Tchernobyl

La partie dédiée à Tchernobyl présente une vision bien plus catastrophique que la réalité. L'éternel débat autour de la position française de ne pas créer d'interdictions de consommation d'aliments est de nouveau cité par l'auteur, alors que l'on sait maintenant que la position des autorités allemandes et suisses d'instaurer des interdictions temporaires de consommation étaient liées à la période de campagne électorale que ces pays traversaient alors.

Fukushima

En ce qui concerne Fukushima, il s'agit là d'un cas flagrant du manque de pouvoir de l'autorité de sûreté japonaise, qui avait demandé la création d'un mur de protection contre les raz-de-marée beaucoup plus important que celui existant, ce que l'exploitant n'a pas réalisé. Il est reconnu maintenant la collusion entre certaines agences gouvernementales et l'exploitant de la centrale. A la suite de cet accident, il faut souligner que de nombreuses études suivies de réalisations concrètes sont actuellement en cours.

Les renouvelables ne sont pas moins chères

Enfin, l'éternelle rengaine sur les coûts comparés de l'éolien et du solaire par rapport au nucléaire nous est resservie. Quelques chiffres : le coût du nucléaire en exploitation en France est de 32 euros/MWh, le prix du marché de gros en Europe environ 40 euros/MWh, d'où l'intérêt de continuer l'exploitation des centrales actuelles. Le coût de l'éolien (2016) est 82 euros/MWh, auquel il convient de rajouter le coût des réseaux supplémentaires à construire et le coût de son intermittence (rappelons que son facteur de charge n'est que de 23%), soient des coûts supplémentaires estimés à 45 euros/MWh. Il faut en effet comparer ce qui est comparable, à savoir une énergie fiable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui répond à la demande contrairement aux énergies éolienne et solaire qui, elles, suivent la météo.

Une énergie toujours bien subventionnée

Rappelons que si ces énergies renouvelables (éolien et photo voltaïque) étaient si économiques financièrement, il n'y aurait pas besoin de les soutenir encore à la hauteur vertigineuse actuelle de 7 Mds euros/an, financées par un prélèvement sur la TIPC (taxe sur les carburants pétroliers) à hauteur de 40% de la part de l'état. A l'heure où le prix des carburants pétroliers fait débat, il est bon de s'en rappeler.

Pour conclure, ne nous trompons pas dans nos choix futurs, regardons l'Allemagne qui relâche deux fois plus de CO2 par habitant que la France, dû au fait que sa production électrique est majoritairement à base de charbon et que ceci n'a absolument pas diminué avec l'abandon du nucléaire. En effet substituer une énergie décarbonée à une autre énergie décarbonée n'a jamais fait diminuer la quantité de CO2 relâchée. Il nous faut plus d'électricité pour des usages permettant de réduire la consommation de gaz (pour le chauffage) et de pétrole (pour les transports) et pour cela, a minima, garder notre électricité nucléaire au niveau actuel.