Low cost long courrier : ne jamais dire jamais !

Par Didier Bréchemier et Emmanuel Combe  |   |  651  mots
Eurowings (Lufthansa) vient de lancer une ligne long courrier low cost
Le low cost long courrier a été peu être trop vite enterré. Le modèle peut exister. A quelles conditions? Par Didier Bréchemier, Partner chez Roland Berger et Emmanuel Combe, Professeur des Universités, professeur affilié à ESCP Europe

Alors que Lufthansa vient de lancer lundi le premier vol Bonn/Varadero (Cuba) de sa filiale Eurowings, il n'est pas inutile de revenir sur l'épineuse question du low cost long courrier : y-a-t-il place pour un modèle pérenne sur ce segment de marché ? Les nombreuses expériences passées -qui se sont toutes soldées par un échec- invitent de prime abord au scepticisme. Pour autant, il serait hâtif d'en conclure que le low cost long courrier ne trouvera pas demain le chemin de la rentabilité, au motif que certains leviers qui ont fait son succès sur le court/moyen courrier ne sont pas transposables, à l'image du demi-tour en moins de 30 minutes.

Certains avantages du low cost pas encore explorés

Plusieurs indices invitent en effet à éloigner tout jugement définitif.
En premier lieu, certaines caractéristiques du low cost n'ont pas été à ce jour réellement explorées sur le long courrier : songeons par exemple à l'usage d'un aéroport secondaire, proche d'une grande zone de chalandise mais offrant de faibles taxes et redevances aéroportuaires et bénéficiant d'une congestion limitée. Dès lors que la taille critique en termes de passagers et de nombre de vols est atteinte sur cet aéroport, on peut imaginer qu'une compagnie low cost y lance des connexions -plutôt que des correspondances- vers des vols long courrier.

De nouveaux modèles d'avions

En second lieu, l'arrivée de nouveaux modèles d'avion permet d'élargir la gamme des solutions possibles, notamment en termes de coûts d'exploitation ou de nombre de passagers transportés, que ce soit avec l'A350, le B787 ou même la famille à venir des B737 Max.
En troisième lieu, des expériences très différentes de low cost long courrier se développent aujourd'hui en Europe, selon un processus de « test and learn » : sans même parler des réflexions prospectives de Ryanair, la compagnie islandaise Wow Airlines tente des vols transatlantiques en A321 avec un stop carburant en Islande ; Norwegian poursuit son offensive en B787 sur les vols transatlantiques, en ouvrant 3 lignes au départ de Londres. Le marché français n'est pas épargné, qui va connaitre bientôt sa première expérience de low cost long courrier, avec le lancement de SunLine sur les Caraïbes et l'Amérique du Nord.


Un marché de niche

Au-delà de ces indices, le succès éventuel d'une compagnie low cost long courrier ne doit pas être pensé sur le même mode que celui observé hier sur le court/moyen courrier: il semble peu probable que le low cost long courrier conquiert demain une forte part de marché, au point de cannibaliser l'offre des compagnies majors. Il se limitera plutôt à un marché de niche, sur quelques axes importants, comme l'Europe/Amérique du Nord, l'intra-Asie, ou l'Europe/Asie ; il adressera une clientèle essentiellement « loisir », très sensible au prix du billet mais prête à payer pour des options en vol, notamment sous la forme d'achats d'impulsion ; il misera sur une densification de la cabine, avec une configuration monoclasse, proposant éventuellement une offre Premium ; il pourra s'appuyer sur les volumes de passagers transportés par les low cost sur le moyen courrier pour leur proposer des connexions long courrier, grâce aux nouveaux outils de distribution.

Un marché structurellement en croissance


Une chose est sûre : la croissance du low cost long courrier se fera d'abord par induction de trafic, en ciblant le marché de la clientèle loisir et de ceux qui voyagent encore peu. Ce marché est structurellement en croissance et peut constituer, notamment pour les compagnies majors, un précieux relais de croissance et une manière de se diversifier pour éviter l'attrition. Dans l'aérien, rien n'est impossible et les pionniers -qu'ils soient majors ou purs low cost- sont souvent récompensés de leur audace !