Normes Euro7 : un nouveau scandale sanitaire

Par Yann Arthus-Bertrand, Diane Strauss,Tony Renucci, Serge Orru  |   |  781  mots
(Crédits : Marcelo del Pozo)
Alors que la norme Euro7 définira les émissions des véhicules automobiles commercialisés dans l'Union européenne à partir de 2025, plusieurs écologistes dénoncent la position du ministre de l'Economie Buno Le Maire sur ce sujet. Par Yann Arthus-Bertrand, président de la fondation GoodPlanet, Diane Strauss (directrice France de Transport & Environment),Tony Renucci (directeur de l'association Respire) et Serge Orru (environnementaliste).

Mi-avril, Bruno Le Maire a fait une déclaration fracassante. Il a annoncé dans le Figaro, lors d'un entretien avec le patron de Stellantis Carlos Tavares, qu'il était opposé aux normes Euro7 et que la France ferait son possible pour en diminuer la portée. Au détour d'une phrase, dans un exercice de séduction à l'attention de l'industrie, il a lâché une bombe dont il n'a peut-être pas mesuré l'importance. Car qu'est-ce que cette norme Euro7 ? C'est celle qui définira les émissions des véhicules automobiles commercialisés à partir de 2025. Elle devrait amener à une diminution significative des seuils d'émissions de la plupart des polluants par rapport à la norme précédente, dite Euro6. Seraient inclues, les particules fines et dioxyde d'azote, qui sont désormais associées à l'augmentation des accidents cardio- vasculaires chez les jeunes, mais aussi des polluants jusqu'à présent non réglementés comme les particules très fines (<23nm), issues du freinage des pneumatiques, qui s'infiltrent profondément dans le corps humain et semblent associées à des cancers du cerveau.

La pollution de l'air, une crise sanitaire d'une ampleur équivalent à celle du Covid

L'enjeu est double : d'une part, des véhicules qui consomment moins et qui émettent moins de CO2 pour protéger le climat - les transports sont responsables de 31 % des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays (1). D'autre part, des véhicules qui sont moins polluants pour protéger la santé des citoyens. La voiture est en grande partie responsable de la pollution de l'air, qui est elle-même la première cause de mortalité dans le monde. Elle est responsable chaque année de près de 50 000 morts en France - et - selon l'organisation mondiale de la santé, de plus de 7 millions de morts par an dans le monde (2). La pollution de l'air est donc une crise sanitaire d'une ampleur équivalente à celle du Covid !

Alors qu'il faudrait encourager résolument la transformation de notre industrie, investir dans les technologies bas-carbone, former les personnels et développer de nouvelles technologies, Bruno Le Maire soutient les vieux lobbys. Il protège le minitel contre Internet et défend les maréchaux-ferrants et les vendeurs de calèche face à la prochaine génération de voitures peu polluantes. Il pense reculer un peu la catastrophe mais en fait, il laisse l'industrie française creuser son retard. Et donc sa tombe. Car avec les normes américaines dites « Tier 3 » qui entrent en vigueur en 2025 et la norme chinoise 6b qui entre en vigueur en 2023, toutes deux plus rigoureuses que Euro6, les constructeurs européens devront faire un choix : suivre pour exporter ou perdre en compétences et en marchés.

Cette politique à courte vue est dangereuse pour la population. Car que dit le ministre, en substance ? Qu'il souhaite retarder une norme qui protège la santé des citoyens pour défendre les intérêts d'un groupe industriel, et donc prendre le risque de laisser mourir les gens - enfants, jeunes et moins jeunes inclus - plutôt que de diminuer les revenus des constructeurs automobiles.

L'Etat français a déjà été condamné pour inaction dans sa lutte contre la pollution de l'air. Si, en la personne de Bruno Le Maire, l'Etat continuait dans son opposition à la norme Euro7, alors que les données scientifiques sur la pollution de l'air et ses conséquences en nombre de morts cumulés sont largement connues depuis des années, il s'exposerait très probablement à une nouvelle action en justice.

Cette fois pourtant, l'Etat ne pourra pas plaider qu'il était responsable mais pas coupable. Car il aura agi en connaissance de cause. Et nous serons là pour le rappeler.

1) https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement- climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du- secteur-des-transports

2) https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/household-air-pollution-and-health

Lire ici les propos de Bruno Le Maire lors de cette interview croisée avec Carlos Tavares, accordée le 13 avril au Figaro.

"La transition écologique est impérative. La filière automobile y participe, notamment en développant les véhicules propres. Mais les normes environnementales européennes doivent rester incitatrices, et non destructrices de notre industrie. Des négociations sont en cours sur la prochaine norme Euro 7. Soyons clairs : à ce stade, cette norme ne nous convient pas. Certaines propositions qui circulent sont excessives. Nos constructeurs ne pourront pas suivre. Il faut donc
continuer le travail. Par ailleurs, si nous faisons le choix de notre indépendance en produisant des batteries électriques peu émettrices de CO2 en Europe, alors la même exigence environnementale doit être imposée aux batteries étrangères. Ne faisons pas le jeu de nos concurrents asiatiques!"