Le vrai tournant de l'électrification ? Carlos Tavares a annoncé jeudi lors de l'Assemblée Générale des actionnaires de Stellantis, un premier volet stratégique extrêmement ambitieux : porter à 70% les ventes de voitures électriques en Europe en 2030. Cette annonce surprend puisqu'elle prend de court la promesse d'un plan stratégique plus large censé mettre en œuvre l'intégration attendue pour la fin de l'année du groupe Stellantis, entité fusionnée en janvier dernier des groupes PSA et FCA.
Carlos Tavares a-t-il changé d'avis ?
La déclaration tranche aussi avec les piques lancées il y a quelques années par le même Carlos Tavares, alors patron de PSA, qui expliquait au gouvernement et à la Commission européenne que les choix technologiques pour réaliser la décarbonation de l'industrie automobile relevait des industriels.
"C'est à nous de trouver les moyens technologiques d'atteindre les objectifs de CO2", expliquait-il alors, estimant qu'il était encore possible de descendre dans les émissions avec les motorisations thermiques.
Hier donc, Carlos Tavares a consacré ce virage à travers un plan ambitieux qui devrait être plus détaillé le 8 juillet prochain lors d'un "electrification day". Il prévoit donc le déploiement d'une gamme de nouveaux modèles tous électrifiés ou disposant au moins d'une version électrifiée à horizon 2030, de sorte qu'ils atteignent 70% des ventes totales en Europe. La part pourrait être moins forte en Amérique du Nord dont la bascule dans l'électrification paraît moins dynamique. Carlos Tavares n'a pas détaillé la part des véhicules 100% électrique.
Il s'est contenté d'indiquer qu'elle devrait simplement augmenter. Comme il l'a déjà dit en mars lors de la présentation des résultats annuels, il est convaincu que les voitures hybrides rechargeables allaient perdre de leur attractivité à l'avenir. Un propos rapidement interprété par les observateurs comme une volonté de miser davantage sur le 100% électrique.
Mais cette stratégie implique d'importants investissements et une hausse des coûts unitaires. Le groupe aux 12 marques veut profiter des synergies pour gagner en compétitivité. Carlos Tavares a expliqué que les modèles seront développés autour de quatre plateformes (dont une dédiée aux très rentables pick-up américains).
Des gigafactories à gogo ?
Autre volet de cette stratégie, la montée en puissance des gigafactories, ces grandes usines dédiées à la production de batteries. Alors qu'un premier site est en cours d'ouverture dans le nord de la France à Douvrin via une joint-venture avec Saft (ACC), un deuxième devrait voir le jour à Kaiserslautern (Sud-Ouest de Francfort, Allemagne). Mais les 50 GWh de ces deux sites ne suffiront pas à couvrir les besoins estimés à 130 GWh en 2025 et à 250 en 2030. Carlos Tavares a donc promis qu'il divulguerait dès cette année de nouveaux projets de gigafactories en Europe ou en Amérique du Nord.
Le groupe Stellantis se met au diapason des autres grands groupes européens qui, tour à tour, ont annoncé d'importants virages stratégiques autour de l'électrification après l'avoir longtemps méprisée. Parmi eux, le groupe Volkswagen qui, le 19 mars dernier, a annoncé un important plan d'électrification. D'un montant de 30 milliards d'euros, ce plan vise à restructurer son modèle industriel en reprenant pied dans l'amont (production de batteries) et l'aval (déploiement d'un réseau de bornes de recharges), comme le fait Tesla.
Succès des modèles 100% électriques
Jusqu'ici, les groupes s'étaient contentés de lancer des gammes de produits électrifiés. PSA était ainsi parvenu à flexibiliser ses plateformes actuelles pour être en capacité technique de sortir une gamme de voitures 100% électriques comme les Peugeot 208 et 2008, la DS3 Crossback, nouvelle Citroën C4, Opel Mokka... Les ventes de voitures électriques ont fait mieux que prévu, portées par la crise du coronavirus qui a été très favorable à cette technologie. Ainsi, alors que le mix attendu était de 10%, PSA a fait 14% de ses ventes sur l'électrique, avec des pics à 20% certains mois.
De son côté, le groupe FCA, l'autre partie de Stellantis, avait pris beaucoup de retard sur l'électrification avec seulement quelques modèles hybrides, et une Fiat 500 100% électrique arrivée courant 2020.
Le groupe Stellantis semble donc prendre le train de l'électrification de masse. C'est presque contraint et forcé que Carlos Tavares, féru de course automobile et défenseur du traditionnel moteur à explosion, a déjà indiqué que Stellantis limiterait ses investissements dans les motorisations thermiques. Une nouvelle génération de motorisations essence devrait arriver en 2023 pour se conformer à la norme Euro7. La dernière?
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