Peut-on défendre l'innovation et combattre les VTC ?

Par Yan Hascoet  |   |  919  mots
Peu d'innovations ont eu autant d'impact positif sur la vie quotidienne que les applications de réservation de VTC. Pourtant, le gouvernement les combat. Par Yan Hascoet, Fondateur et PDG de Chauffeur Privé

Dans ses « Soixante engagements pour la France », pris en 2012, François Hollande s'est engagé à « soutenir les nouvelles technologies et l'économie numérique ». Créé en 2012, Chauffeur Privé était aux premières loges pour assister au naufrage de cette promesse. Mercredi, en commission mixte paritaire, le Parlement et le Gouvernement s'apprêtent à finaliser une loi (la loi Grandguillaume) qui , si elle est adoptée, va porter un coup dur à notre entreprise, et au secteur des VTC (véhicules de transport avec chauffeur) dans son ensemble.

 Un impact positif sur la vie quotidienne

Peu d'innovations, au cours des quatre dernières années, ont eu autant d'impact positif sur la vie quotidienne des Français que les applications de réservation de VTC. Pour les usagers, en premier lieu : terminée l'attente interminable lors des appels aux standards téléphoniques, terminées les longues files à la gare ou le soir à la sortie des spectacles, terminées les courses au tarif incertain et les frais d'approche exorbitants, les terminaux bancaires en panne («il y a un distributeur là-bas»), les détours inutiles pour saler la note. Le secteur a aussi donné du travail à 22 000 personnes. 22 000 chauffeurs qui aujourd'hui se sont insérés dans la société et peuvent, en travaillant, avoir des revenus stables. Pour l'essentiel ils viennent de nos quartiers difficiles, la moitié d'entre eux n'avait pas d'emploi avant de s'installer derrière le volant[1]. En plus des chauffeurs avec qui nous travaillons, chez Chauffeur Privé nous sommes passés de 4 salariés en 2012 à 120 aujourd'hui (dont près d'une dizaine d'anciens chauffeurs).

 Des bâtons dans les roues

En toute logique, notre entreprise, et les autres entreprises du secteur, auraient dû être célébrées par le Gouvernement. Soutenues, aidées, mises en avant. Innovation, dynamisme, création d'emplois, insertion des jeunes exclus du marché du travail. Que fallait-il de plus ? Pourtant c'est précisément l'inverse qui s'est produit. D'abord avec la loi Thévenoud du 1er octobre 2014. Affolé par des taxis-casseurs qui bloquaient les rues, le Gouvernement confiait à M. Thomas Thévenoud la mission de freiner l'essor du secteur. Désormais, il serait interdit aux applications d'« informer le client final de la disponibilité et de la localisation d'un VTC », autrement dit d'utiliser la géolocalisation. De plus chaque VTC aurait l'obligation de retourner à son garage après chaque course, au lieu de continuer à circuler dans la rue, ce qui est évidemment infaisable pour un chauffeur qui cherche à gagner sa vie. Pourquoi ? Mystère...Ou plutôt, derrière les habillages les plus farfelus, un seul désir : freiner l'expansion de nos entreprises et de tout le secteur.

 Priver les chauffeurs de travail?

Deux ans plus tard, ce Gouvernement de gauche fait un constat : malgré la loi Thévenoud, les créations d'emplois et d'entreprises dans le secteur des VTC explosent car nous avons trouvé les moyens de nous développer malgré les obstacles mis sur notre route. Le gouvernement devrait s'en réjouir.... mais non ! Devant la pression des chauffeurs et surtout des loueurs de taxis, le gouvernement remet sur le métier son ouvrage de destruction. Cette fois, c'est Laurent Grandguillaume qui est chargé de rédiger une nouvelle loi, avec une nouvelle trouvaille : puisqu'une grande partie des chauffeurs sur nos plateformes sont des chauffeurs dits « LOTI », la proposition de loi M. Grandguillaume prévoit d'interdire aux LOTI d'exercer leur activité dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants.

Autrement dit : les priver de travail. Cette loi va passer en commission mixte paritaire le 30 novembre et nous avons les pires craintes qu'elle soit adoptée. Nous savons également qu'il y a de très fortes chances pour que cette loi ou ses décrets d'applications instaurent la création d'un examen pratique pour les futurs VTC - est-il utile de préciser : complètement inutile ? - et que l'organisation de cet examen soit confiée aux chambres de métier et d'artisanat, où les représentants des taxis sont légions. Ce n'est évidemment pas un hasard, et cela aura pour conséquence de ralentir considérablement la création de nouveaux emplois dans notre secteur et donc l'offre de services.

 Nous constatons donc que ce Gouvernement, qui s'était engagé explicitement à soutenir l'emploi, les entrepreneurs, et les nouvelles technologies, a au contraire redoublé d'ingéniosité pour brider l'un des secteurs les plus dynamiques du pays. Le message envoyé aux jeunes entrepreneurs, qui prennent nécessairement des risques pour créer une entreprise en France, est consternant, révoltant.

 François Fillon veut créer des champions européens

Nous appelons aujourd'hui les candidats à l'élection présidentielle à regarder de plus près les conditions dans lesquelles nous autres entrepreneurs, devons travailler. La France ne produira jamais de grands champions économiques capables de rivaliser avec les entreprises-monstres venues des Etats-Unis, si notre propre Gouvernement ne nous soutient pas. Dans son programme économique pour les cinq prochaines années, François Fillon souhaite justement que la France devienne capable de créer et soutenir des champions économiques européens. Nous espérons de tout cœur que lui, et les autres candidats qui partagent le même souhait, tiendront leurs engagements le jour où ils en auront la possibilité. En attendant, nous continuerons à faire ce que nous faisons depuis quatre ans : innover, nous battre, trouver de nouvelles idées pour avancer malgré les chaussetrappes.

Yan Hascoet, Fondateur et PDG de Chauffeur Privé

[1] Etude du Boston Consulting Group sur le secteur des VTC en France, novembre 2016