Pour un capitalisme de long terme

Par Laurence Daziano  |   |  604  mots
(Crédits : Reuters)
Dans une contexte général d'incertitudes, de baisse des indices boursiers et de la présence de fonds activistes en Europe, il est temps de revenir aux fondamentaux des marchés: financer la croissance, garantir la sécurité de l'épargne et payer une prime à la hauteur du risque pris par les investisseurs. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique

La fébrilité des marchés financiers est très forte en cette fin d'année 2018. La volatilité des prix du pétrole, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, accentuée par les déclarations intempestives de Donald Trump, le ralentissement de la croissance chinoise, l'aléa sur le Brexit ou encore l'affrontement entre la Commission européenne et le gouvernement italien sur le projet de budget 2019 sont de nature à offrir un début d'année 2019 perturbée pour les bourses mondiales.

D'ores et déjà, les marchés financiers ont fortement baissé au dernier trimestre 2018. Mi-décembre, le Dow Jones et le Nasdaq américains clôturaient en retrait d'environ -2%, le DAX allemand était lui aussi légèrement négatif. Le CAC40 français a perdu plus de 8% depuis le début de l'année et s'est installé durablement sous la barre des 5.000 points.

Fonds activistes américains

Ce climat d'incertitude financière est encore accentué, pour certaines entreprises européennes, par l'arrivée à leur capital de fonds activistes américains. En effet, ces derniers viennent de lancer une offensive en Europe sur le capital de plusieurs entreprises, à l'instar de Telecom Italia, Casino, Suez ou, plus récemment, Pernod Ricard. Ces fonds, dont l'objectif premier est d'obtenir un rendement maximum de leur mise initiale en un minimum de temps, considèrent que les entreprises, dans lesquelles ils investissent, sont mal gérées, qu'elle pourraient être plus efficaces et donc générer de meilleurs profits. Ils réclament des inflexions stratégiques importantes permettant de réaliser des profits à court terme, mais la plupart du temps aux dépens d'une vision stratégique de long terme.

Fondamental pour le développement des entreprises

Or, la question de la stratégie à long terme est fondamentale pour le développement des entreprises et l'allocation optimale des ressources financières. Ceci est un prérequis majeur pour le développement industriel, la conquête de nouveaux marchés et la mise en œuvre d'une stratégie stable pour le développement de l'entreprise.

Cette stratégie de long terme est notamment l'un des traits caractéristiques du capitalisme familial qui s'est développé en Allemagne, en Italie ou en France. La plupart des PME exportatrices italiennes, installées en Lombardie ou en Vénétie, appartiennent à des actionnaires familiaux de longue date.

C'est également une spécificité française qui a permis de constituer des groupes mondiaux de premier plan, à l'instar de Kering, LVMH, Dassault, ou encore Sodexo. Au-delà du rendement nécessaire pour développer l'entreprise, l'actionnariat familial est attentif à la transmission, de génération en génération, de l'outil créé et à l'intérêt social de l'entreprise.

Simplifier les successions des groupes familiaux

Les avantages du modèle capitalistique européen doivent donc être préservés afin de favoriser les stratégies et investissements de long terme. A ce titre, les successions des groupes familiaux doivent être simplifiées, et les fonds activistes étrangers devraient faire l'objet d'une surveillance attentive par les autorités de régulation, voire d'un contrôle européen. En effet, une législation européenne pourrait être proposée pour réguler les fonds activistes, par exemple en encadrant très strictement les ventes à découvert avec une obligation de publicité des montants concernés et des contrats conclus.

Il convient de renouer avec les fonctions fondamentales des marchés financiers qui sont d'assurer le financement de la croissance, de garantir la sécurité de l'épargne et de payer une prime à la hauteur du risque pris par les investisseurs.