Quelles solutions au problème de la dette ?

Par Sébastien Canderlé  |   |  700  mots
(Crédits : SARAH MEYSSONNIER)
OPINION. La France enregistre un niveau d'endettement record. Sa dette de 2.150 milliards d'euros représente environ 115% du PIB, son plus haut niveau depuis 1949*. Pourtant, malgré l'absence de débat sur le sujet dans cette campagne présidentielle, des solutions existent. Par Sébastien Canderlé, conférencier à Imperial College London

Rembourser...

Tout d'abord, l'acquittement de la dette pourrait venir de la vente d'infrastructures et autres propriétés de l'État. Suite à la crise de la zone euro en 2011-2015, en échange de la liquidation d'une partie de sa dette, la Grèce dut s'alléger de nombreux actifs, y compris les ports du Pirée et de Thessalonique ainsi qu'une large participation dans l'opérateur télécom OTE vendue à Deutsche Telekom.

La France pourrait bien évidemment suivre cet exemple. Il est cependant plus souhaitable d'annexer les biens des entreprises et personnes physiques les plus fortunées. C'est ce qui eut lieu en novembre 1789 lorsque les biens du clergé furent mis à la disposition de la nation pour l'extinction de la dette publique. Ce serait une méthode quelque peu extrême, mais telle est la situation financière du pays.

Ceci étant, en termes de techniques d'appropriation, le plus commun n'est pas l'expropriation, mais la ponction fiscale. Cela peut passer par une augmentation du taux marginal d'imposition des revenus et de la fortune ou par une taxe exceptionnelle. En août 1945, par exemple, une ordonnance avait institué un impôt de solidarité nationale, comprenant un prélèvement sur les patrimoines et une contribution pouvant atteindre jusque 100% de la valeur du capital des particuliers.

Rogner

Une stratégie efficace d'amortissement de la dette consisterait à laisser filer les prix. L'inflation a pour effet de provoquer une augmentation des recettes de l'État, ce qui facilite le remboursement de la dette. Non seulement le principal de la dette se dévalorise, mais si les taux d'intérêt prélevés demeurent inférieurs au taux d'inflation, il en découle un taux d'intérêt réel négatif. Ceci se traduit par une réduction mécanique de la charge de service de la dette. C'est ce qui survint en France dans les années 1940 ainsi qu'à la suite des chocs pétroliers des années 1970.

Le danger d'une telle approche c'est qu'il est souvent difficile de contrôler la hausse des prix, et réduire la dette souveraine par l'inflation prend du temps, au bas mot plusieurs années, ce qui serait néfaste pour les épargnants et les consommateurs.

Une autre solution serait d'entamer une politique de réduction des déficits. Des coupures budgétaires cumulées à une augmentation des recettes produiraient des excédents budgétaires. Mais le pays n'a pas connu une telle situation depuis 1974, ce qui laisse augurer un processus semé d'embûches qui mettrait plusieurs décennies à porter ses fruits.

Réaménager

La démarche la plus crédible pour gérer la Covidette serait de la restructurer en la rééchelonnant sur plusieurs décennies, convertissant les obligations du Trésor en instruments de très long terme - à 80 ou 100 ans plutôt que 50 ans. Selon la maturité des prêts ainsi réaménagés, la dette du pays pourrait devenir plus ou moins perpétuelle. En échange, les créanciers exigeraient des rendements plus généreux que les taux proches de zéro imposés ces dernières années, mais c'est le prix à payer de la politique du "Quoi qu'il en coûte".

Les créanciers pourraient également choisir volontairement de renoncer à leurs droits. Cette annulation de la dette demanderait une générosité qui n'a pas été observée depuis la Seconde Guerre mondiale. Étant donné que deux des principaux créanciers du pays sont la Banque Centrale européenne et la Banque de France, cette option n'est pas inconcevable.

Enfin, même si les appels répétés en faveur du défaut de paiement proviennent de politiciens populistes, l'option existe bel et bien. La France n'a pas fait défaut sur sa dette depuis 1797, lorsqu'elle avait choisi de ne garantir qu'un tiers de ses dettes lors d'un processus dénommé la banqueroute des deux tiers, ce qui explique les vives réactions que suscite aujourd'hui une telle proposition.

Les options ne manquent donc pas pour tenter de résorber la dette de l'État. Il reste juste à attendre la volonté politique d'en débattre.

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(*) https://www.latribune.fr/economie/france/dette-publique-la-banque-de-france-juge-irresponsable-de-parier-sur-un-maintien-des-taux-bas-902267.html