Quelles utilisations du budget de l'État en 2023 ?

Par Gabriel Gaspard  |   |  1280  mots
(Crédits : Reuters)
CHRONIQUE. « Rétablissement des finances publiques » grâce notamment à « la réforme de l'assurance chômage » et à « la réforme des retraites », a déclaré le ministre de l'Économie et des Finances. Dans cette tribune, une répartition des dépenses budgétaires tente de montrer à quoi servent réellement 1.000 euros de dépenses de l'État. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.

Le 26 septembre 2022, à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique a ajouté :

« C'est par ailleurs un budget qui tient la ligne économique qui a toujours été la nôtre depuis 2017 avec beaucoup de constance... Nous poursuivrons donc la réforme de l'assurance chômage et nous engagerons une réforme des retraites ».

« Si vous avez compris quelque chose au budget, c'est qu'on vous l'a mal expliqué ». Quelle est la part du budget de l'État consacrée au chômage, aux retraites, à la santé, etc. ?

Budget de l'État et « l'argent public »

Pour voter le budget 2023, il a fallu 82 jours et dix 49.3. Le budget de l'État correspond à l'ensemble de ses ressources et de ses dépenses. L'essentiel des ressources provient des impôts et des taxes payées par les citoyens et les entreprises. Il faut distinguer le budget/dépenses de l'État et « l'argent public » (prélèvements obligatoires). Ce dernier est composé de l'ensemble des impôts et cotisations prélevés au bénéfice des administrations publiques.

Pour Larousse, une cotisation est « une contribution des salariés et/ou de leurs employeurs, versée aux différents organismes qui assurent la protection sociale (la Sécurité sociale, l'assurance chômage, etc.) ».

Quel est le poids des syndicats ?

Pour les cotisations sociales, le rôle des partenaires sociaux est très important. Ils représentent les intérêts et les problèmes du monde du travail. C'est un rôle économique et de gouvernance.

Pour le chômage, « ils négocient les règles d'indemnisation, les taux de cotisation et les aides pour encourager le retour à l'emploi » dans le cadre de l'Unedic. Ils déterminent et approuvent pour la Sécurité sociale, sur proposition du directeur, les orientations et le budget de gestion, etc. Ils sont chargés, par délégation du service public, de la gestion des retraites, de certains organismes publics tels que les régimes complémentaires. Ils peuvent cogérer la Sécurité sociale sous le contrôle de l'État.

En 1996, après une réforme de la constitution, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) donne le pouvoir au gouvernement avec un droit de regard au parlement sur l'équilibre financier. C'est la reprise en main par l'État de la gouvernance de la sécurité sociale et de remise en cause du rôle des partenaires sociaux.

« La même ligne économique depuis 2017 »

Depuis 2019, le gouvernement ne veut plus compenser les baisses de cotisations accordées aux entreprises au nom de la diminution du coût du travail. Les nouvelles diminutions de prélèvements obligatoires seront désormais « supportées par la sphère à laquelle le prélèvement est affecté ». En d'autres termes, si c'est une cotisation sociale qui baisse, ça sera à la Sécurité sociale d'assumer la perte de recettes. Avant, lorsque les gouvernements successifs accordaient des réductions de cotisations sociales aux employeurs ou à leurs salariés, l'État compensait le manque à gagner. Cette nouvelle approche met en cause l'équilibre des systèmes sociaux.

En cas de nouvelle crise économique, le système français de protection sociale aura moins de recettes pour couvrir ses dépenses. Ce fut le cas en 2020 avec les dépenses dues à la Covid-19. Compte tenu de la baisse des recettes, les dépenses exceptionnelles sont passées de 1,7 milliard d'euros en 2019 à 39,7 milliards d'euros en 2020. En 2021 la Sécurité sociale a emprunté directement un montant record d'environ 40 milliards d'euros.

Concernant l'assurance chômage, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir, LCAP « a introduit des réformes déterminantes en matière de gouvernance de l'assurance chômage, qui mettent fin au régime d'assurance contributif édifié depuis 1958. L'assurance chômage est désormais une politique sociale dont les ressources et les règles sont étroitement contrôlées par l'État » selon l'OFCE.

Le niveau d'endettement brut de l'Assurance chômage passe de 38 milliards d'euros en 2018 à 69 milliards d'euros en 2021 et 59 milliards d'euros fin 2022.

Pour les retraites, l'approche est la même

Le gouvernement souhaite en premier mettre la main sur 60 milliards des réserves d'Agirc-Arrco en confiant la collecte des cotisations complémentaires et leur gestion à l'URSSAF pour compenser les pertes du régime de base. La mesure a été votée en 49.3 dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2023. Elle sera effective début 2024. En second, dans la nouvelle réforme des retraites, le gouvernement souhaite réformer les retraites pour réduire ses dépenses et baisser les impôts de production pour les entreprises.

Dans la même déclaration sur le projet de loi de finances 2023, le ministre des Finances complète :

« Soutenir la croissance, c'est d'abord baisser les impôts de production [...] nous tiendrons nos engagements en matière de réformes structurelles [...] et nous engagerons une réforme des retraites ».

Il est trop tôt pour évaluer les effets aujourd'hui sur le budget de l'État.

Répartition pour les prélèvements obligatoires de 1.000 euros de dépenses

Dans un billet publié par Fipeco le 21 décembre 2022 à partir de la dernière étude de l'Insee pour 2021, nous pouvons lire :

« Pour 1.000 euros de prélèvements obligatoires en 2021, les dépenses de protection sociale se sont élevées à 573 euros, dont 248 euros pour les retraites, 208 euros pour la santé, 37 euros pour les familles et 39 euros pour les allocations de chômage ; les dépenses d'enseignement ont été de 89 euros ; le soutien des activités économiques a été de 117 euros (les aides et subventions aux ménages et entreprises hors transports ont été de 82 euros et les dépenses de transport de 35 euros) ; les dépenses des "services généraux" (fonctions supports) étaient de 72 euros ; les dépenses militaires étaient de 30 euros ; les intérêts de la dette publique étaient de 26 euros ».

Répartition de 1.000 euros de dépenses pour les missions et programmes de l'État en 2023

Les dépenses d'enseignement scolaire et supérieur seraient de 201 euros ; les intérêts de la dette publique seraient de 94 euros ; les dépenses militaires seraient de 94 euros ; pour la solidarité, insertion et égalité des chances, il est prévu 53 euros ; 49 euros seront affectés à l'écologie, développement et mobilité durables. 41 euros seront affectés à la sécurité ; 37 euros au travail et emploi ; 32 euros à la cohésion des territoires : 20 euros à la justice ; 19 euros pour le plan de relance et investir pour la France de 2030 ; 11 euros pour les régimes sociaux de retraite; 7 euros pour la culture ; 6 euros pour la santé ; etc. (sources PLF-2023).

Pourquoi le gouvernement tient tant aux réformes ?

Toutes les réformes de la Sécurité sociale, de l'assurance chômage, des régimes de retraite ont étaient réalisées pour améliorer les comptes de l'État aux dépens des organismes sociaux, de réduire les droits futurs des assurés salariés ou retraités et effectuer des réformes structurelles.

« Les réformes structurelles contribuent à stimuler l'emploi, encouragent les créations d'entreprises et améliorent la productivité... Les réformes sur le marché du travail, telles que la baisse des charges patronales et la révision des allocations chômage, peuvent faciliter l'entrée dans les rangs de la main-d'œuvre active et la recherche d'emploi... Outre qu'elles alimentent la croissance économique, les réformes réduisent le poids de la dette publique sur le long terme. La mise en œuvre de réformes sera donc salutaire pour les États à court d'argent... » Fonds Monétaire International le 13 mars 2017.