Solutions 30, Wirecard, Atos  : de l'intérêt pour l'actionnaire d'une analyse fondamentale

Par Hughes Beuzelin (*)  |   |  561  mots
(Crédits : Reuters)
OPINION. L'action Solutions 30 s'est effondrée après le refus de l'auditeur d'approuver les comptes de l'entreprise. Cette alerte comptable fait suite à celles concernant Wirecard ou Atos. Si des investisseurs ont beaucoup perdu en choisissant ces valeurs, une autre stratégie était possible, fondée sur une analyse des comptes en amont. Une stratégie qui s'est révélée gagnante... (*) Par Hughes Beuzelin, Président, co-Fondateur de BDL Capital Management

De grandes entreprises cotées, figurant dans les principaux indices de référence, fournissent a priori toutes les garanties de transparence comptable. Pourtant, l'actualité nous montre que ce n'est pas toujours le cas. Trois dossiers récents ont pu frapper les investisseurs, qui ne s'attendaient pas à ce que de telles entreprises puissent ainsi défrayer la chronique. Trois dossiers concernant des valeurs figurant dans le Dax 30 (Wirecard), le CAC 40 (Atos) et l'indice SBF 120 (Solutions 30).

Les problématiques sont bien sûr différentes. Wirecard, mise en faillite à l'été 2020, était l'exemple d'une fraude comptable à grande échelle, avec une activité largement fictive. S'agissant d'Atos, les actionnaires ont refusé début mai d'approuver les comptes consolidés à la suite de réserves émises par l'auditeur, concernant des filiales américaines. Quant à Solutions 30, l'auditeur EY a refusé d'émettre une opinion sur les comptes 2020, évoquant des « anomalies non détectées qui pourraient être à la fois significatives et avoir un caractère diffus ».

S'agissant de Wirecard et Solutions 30, des « lanceurs d'alerte », qu'il s'agisse de la presse ou de vendeurs à découvert, ont joué un rôle considérable. Critiqués, y compris par des autorités de marché parfois enclines à défendre a priori les sociétés cotées, ces lanceurs d'alerte se sont donc avérés utiles. Le marché leur a donné raison sanctionnant lourdement les manipulations ou même incertitudes comptables. Wirecard ne vaut quasiment plus rien, puisque l'entreprise est liquidée. Solutions 30 a vu son cours s'effondrer de plus 70% le 24 mai, après 10 séances de cotation suspendue, faisant s'évaporer 760 millions d'euros de capitalisation boursière. Quant à Atos, c'est l'auditeur qui a été à l'origine de l'information, et la valeur a perdu plus de 27% de sa valeur depuis le premier janvier.

Trois leçons

Quelles leçons tirer de ces trois exemples ? D'abord, que tout investisseur serait bien avisé de regarder les comptes de l'entreprise dans laquelle il a l'intention d'investir, de ne pas se contenter des communiqués, à l'évidence orientés. Nécessairement fine, cette analyse des comptes exige bien sûr une solide compétence technique et du temps. Voilà pourquoi le recours à une analyse indépendante est souvent nécessaire. Les meilleurs gestionnaires d'actifs indépendants savent l'importance de cet exercice.

Analyser les comptes ne permet pas seulement de comprendre le passé de l'entreprise et de juger de sa solidité, mais aide aussi à déceler d'éventuels signaux d'alerte, à anticiper son avenir financier. C'est la deuxième leçon à tirer des mauvaises expériences qu'ont pu vivre certains investisseurs. Avant que les « scandales » financiers n'éclatent, des signaux étaient perceptibles, montrant des incohérences dans les comptes des entreprises concernées. Souvent, l'analyse du BFR (Besoin en Fonds de Roulement) est riche d'informations à cet égard. De même que celle des acquisitions d'entreprises réalisées. Ainsi, Wirecard avait surpayé de nombreuses acquisitions, achetant par exemple l'entreprise indienne GI Retail plus de sept fois le prix auquel elle n'avait pas réussi à se vendre quelques mois auparavant.

Enfin, troisième leçon, bien que chacune des situations soit unique, les lourdes pertes subies par les actionnaires auraient pu être évitables. Sur la base de signaux comptables décelés en amont, il était d'abord possible de rester à l'écart de ces entreprises. Et ensuite, d'envisager de vendre à découvert (« short ») certaines de ces valeurs.