Pourquoi Solutions 30 s'effondre en Bourse

La cotation du titre était suspendue depuis deux semaines. Ce lundi 24 mai, elle ne cesse d'être interrompue en raison de la ruée des vendeurs. En décembre 2020, un rapport anonyme de 114 pages accusait l'entreprise de "blanchiment d'argent" et de "fraude". Des accusations ensuite relayées par le fonds activiste Muddy Waters.
Gianbeppi Fortis, PDG de Solutions 30
Gianbeppi Fortis, PDG de Solutions 30 (Crédits : Solutions 30)

Au lendemain de la publication de comptes non certifiés et après deux semaines de suspension du cours, l'action Solutions 30 a chuté à moins de 4 euros à la Bourse de Paris contre 10 euros auparavant, et la cotation ne cessait d'être interrompue en raison de la ruée des vendeurs.

La société spécialiste de la pose de compteurs électriques et de réseaux fibre, accusée de fraude et de blanchiment par un fonds américain qui parie sur la baisse de l'action depuis 2019, s'enfonce dans un maelstrom qui ne plaît guère à ses actionnaires.

Solutions 30 avait demandé la suspension de son titre le 10 mai à l'opérateur boursier Euronext. L'action s'affichait alors à 10,38 euros. Malgré l'absence de comptes certifiés, elle avait demandé le retour de la cotation ce lundi.

Le titre plonge de plus de 70%

Mais depuis l'ouverture, le titre de la société - qui avait intégré le SBF 120 en septembre l'an dernier - n'a pas pu reprendre pleinement sa cotation, sous l'effet de ventes massives qui ne cessaient d'activer des suspensions mécaniques, suivies de reprises très brèves. Vers 14h00, l'action perdait de l'ordre de 74%  de sa valeur à 2,7 euros.

Sommée mardi dernier par l'Autorité des marchés financiers (AMF) de rendre publics ses comptes annuels 2020, qu'elle n'avait pas publiés dans les temps, l'entreprise s'est finalement exécutée dimanche, malgré l'absence de certification de son commissaire aux comptes, le cabinet EY se disant dans "l'impossibilité d'exprimer une opinion d'audit".

Solutions 30 "ne nous a pas communiqué certaines informations nécessaires à la réalisation de notre audit", a ainsi expliqué EY dans le rapport annuel 2020 mis en ligne dimanche. Solutions 30 disant son "profond désaccord".

Comptes 2020 non certifiés

Le cabinet EY indique n'avoir pas pu vérifier la "conformité avec les lois et règlements de certaines transactions réalisées par le groupe", ni n'avoir pu "déterminer si ces transactions ont été conclues avec des parties liées, y compris les membres de la direction".

"En raison de ces circonstances, nous avons conclu que les incidences éventuelles sur les états financiers consolidés d'anomalies non détectées pourraient être à la fois significatives et avoir un caractère diffus", ajoute EY.

C'est un nouveau coup dur pour la société, basée au Luxembourg et spécialisée en assistance, maintenance et installation de matériel technologique, comme les compteurs intelligents Linky. Présent en France, Italie, Allemagne, et d'autres pays européens, la société a réalisé 815 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier.

L'activiste Muddy Waters en guerre contre Solutions 30

Depuis plusieurs mois, Solutions 30 est en bisbille avec le fonds activiste américain Muddy Waters, dirigé par Carson Block, un vendeur à découvert qui a parié sur la baisse de Solutions 30.

Tout a démarré avec la diffusion, en décembre 2020, d'un rapport anonyme de 114 pages accusant l'entreprise de "blanchiment d'argent" et de "fraude". Des accusations ensuite relayées par Muddy Waters.

En réaction, Solutions 30 a porté plainte auprès du Parquet national financier et saisi l'AMF à la mi-décembre. Fin janvier, il avait en outre annoncé qu'il allait porter plainte pour diffamation contre Muddy Waters, pour deux lettres publiées par ce fonds. Solutions 30 avait ensuite publié, début avril, un audit du cabinet Deloitte la dédouanant de ces accusations.

"Nous n'avons pas identifié d'élément permettant de corroborer les allégations de blanchiment d'argent, en lien avec le crime organisé", avait ainsi conclu Deloitte, mandaté par Solutions 30.

Parallèle avec le scandale Wirecard

Dans une nouvelle lettre lundi, Carson Block estime que le rapport de Deloitte n'était pas un "audit", et fait un parallèle entre Solutions 30 et Wirecard, fleuron allemand des paiements numériques, qui s'est effondré l'été dernier lorsque ses dirigeants ont avoué que 1,9 milliard d'euros d'actifs n'existaient pas en réalité.

Dans les deux cas, affirme Carson Block, "un aveuglément volontaire des investisseurs face à des problèmes flagrants (...) et un cadre juridique et réglementaire disparate font de l'Europe un terreau fertile pour de comportements répréhensibles des entreprises", énonce-t-il.

De son côté, Solutions 30 n'a pas exclu une sortie définitive de la cotation. Sa direction a en tout cas fixé son assemblée générale annuelle des actionnaires au 30 juin 2021. Et elle dit avoir demandé au tribunal de commerce de Bobigny "la désignation d'un conciliateur pour l'assister" et répondre aux interrogations de ses clients et fournisseurs.

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