Carenco, l'éternel optimiste du Grand Paris

Par Mathias Thépot  |   |  887  mots
Jean-François Carenco est préfet de la région Île-de-France et de Paris depuis avril 2015.
Le préfet d'Île-de-France, Jean-François Carenco, ne cesse de montrer son optimisme inaliénable sur la montée en puissance de l'agglomération capitale, malgré les nombreuses critiques.

Jean-François Carenco, le préfet de Paris et d'Île-de-France, est chargé de mener à bien pour l'Etat le projet du Grand Paris. Mais il est bien loin du cliché du haut-fonctionnaire austère qui s'efface derrière ses « donneurs d'ordre », les ministres de la République. Il est en fait proactif pour organiser l'un des plus grands projets d'investissement public en cours en France, ne serait-ce que méthodologiquement.

En l'écoutant parler du Grand Paris, on aurait presque l'impression de l'entendre développer un programme politique, une conception de la future agglomération capitale. Son « programme » se décompose en quatre points :  « créer de la richesse, de la connaissance, du lien social et de l'émotion culturelle », a-t-il détaillé lors d'une audition au Sénat. « Si nous arrivons à créer ces quatre choses, alors nous aurons réussi la métropolisation de la capitale », assure-t-il. Carenco ne serait-il pas en réalité le ministre du Grand Paris ?

Beaucoup de critiques

Son optimisme inaliénable peut toutefois interroger car le projet reste très critiqué. Des voix s'élèvent notamment contre le périmètre institutionnel trop restreint de la métropole du Grand Paris (MGP), qui englobe seulement 131 communes franciliennes sur 1.200, et questionnent sa réelle utilité. La présidente de la région Valérie Pécresse fait par exemple régulièrement part de son opposition à la création de cette métropole qui aura son propre hémicycle avec 209 conseillers métropolitains. « A ce stade, nous savons bien qu'il faudra modifier la métropole », concède tout de même Jean-François Carenco. « Mais j'ai acquis une conviction : il fallait la créer », assure-t-il.

Les critiques sont les mêmes pour le réseau du Grand Paris Express, qui représente certes 200 kilomètres de lignes nouvelles pour près de 30 milliards d'euros d'investissements, mais qui oublie une grande partie de la grande couronne francilienne. « Une métropole ne s'oppose pas aux territoires ruraux. La métropolisation, ce n'est pas nécessairement grossir », justifie Jean-François Carenco, qui note par ailleurs que le projet Eole - le prolongement du RER E vers l'ouest de la région - va quasiment jusqu'au bout de la grande couronne.

Le lien social dans un contexte de concurrence mondialisée

Reste que dans une région comme l'Île-de-France où les inégalités sont très marquées, donner pour objectifs d'une part la création de richesses dans un contexte de concurrence mondialisée des métropoles, et, d'autre part, l'amélioration du lien social, peut s'avérer contradictoire. D'ailleurs, Jean-François Carenco admet que l'on « ne peut pas faire une métropole en excluant ». Mais au regard des projets lancés, il estime que ces objectifs sont conciliables. Il préfère mettre en avant l'ampleur des chantiers autour du nouveau réseau de transports en commun, qui devrait selon lui permettre de désenclaver des territoires défavorisés. « A côté des mécontentements que nous allons connaître avec la construction des nouvelles lignes de train du Grand Paris Express, les plaintes sur la fermeture des voies sur berges à Paris intramuros, c'est de la petite bière ! », se satisfait-il.

En parallèle, il note une tendance à l'amélioration des conditions des plus démunis en Île-de-France. Depuis la rentrée, « pour la première fois depuis 10 ans, le nombre de nouvelles personnes bénéficiant du statut DALO* est inférieur au nombre de personnes qui sortent de ce statut. C'est un victoire considérable pour l'Île-de-France ». En outre, « les communes franciliennes carencées en logements sociaux sont en diminution. Et nous ne désespérons pas que 35.000 logements sociaux soit mis en chantier en 2016 ».

La connaissance et la culture

Sur sa troisième priorité, la création de connaissances, le préfet cite souvent les projets franciliens les plus symboliques : le campus Condorcet à Aubervilliers et Porte de la Chapelle à Paris, « le premier campus d'Europe en matière de sciences sociale », le campus Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer, où même l'université de Marne-La Vallée qui sont, selon lui, les preuves du développement académique du Grand Paris.

Enfin, en matière d'émotion culturelle, il fait les louanges de la philharmonie de Paris et la Seine musicale sur l'Île Seguin, qui sont du reste très proches du centre de Paris, et donc potentiellement peu concernant pour les personnes éloignées du centre de l'agglomération. Jean-François Carenco espère aussi que la métropole accueillera les Jeux olympiques en 2024, et même l'Exposition universelle en 2025... à laquelle la maire de Paris Anne Hidalgo est pourtant farouchement opposée. Mais là encore, le préfet Carenco tempère: « je pense que l'on y arrivera », assure-t-il. A coup sûr, il négociera pour obtenir gain de cause. Faisant parfois fi des positions marquées des grands dirigeants politiques franciliens, Jean-François Carenco défend tous les grands projets qui pourraient potentiellement générer de la croissance dans la région. L'avenir dira si sa méthode était la bonne.

* Le statut du Droit au Logement Opposable (Dalo), institué en 2007, permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un logement ou un hébergement digne.